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NEDROMAH [1]

L’imposant Ali Tahar, professeur à la médersa de Tlemcen, nous accompagne à la mosquée de Sidi Bou-Médine. Un « seroual » bouffant le vêt et le fez grenat couvre son front, mais le ruban rouge traverse la boutonnière d’un veston à l’européenne.

— Vous allez connaître, en la personne du cheick El-Djamii, gardien de la mosquée, un musulman à la mode des anciens âges dans la vieille maison de Dieu, chère à son cœur, me confie-t-il.

Nous traversons un sous-bois harmonieux, Elysée islamique où, parmi l’ombre argentée des oliviers et des pistachiers flexueux, quelques tombeaux à coupoles pâles luisent faiblement, fantômes d’une ville sultane dont le souvenir s’abolit devant la laideur de la sous-préfecture moderne. Car l’Islam n’est plus guère qu’un grand cimetière fleuri et nous apercevons l’image d’une civilisation qui rejoindra, bientôt, sous le sol verdoyant, les monuments de Chaldée, d’Assyrie et de Phénicie.

— Notre vénérable Sidi Bou-Médine, l’un des derniers lieux où se respirent encore les parfums d’Arabie, annonce Ali Tahar en poussant une porte de bronze patinée à gros clous en étoiles. Une première cour dallée de marbre résonne sous nos pieds. Une sorte de cloître à colonnade l’entoure, car la piété humaine retrouve, sous tous les cieux, les formes architecturales propices aux effusions de l’âme.

Aux claveaux des cintres quelques girandoles de Venise oscillent comme des encensoirs et leurs cristaux scintillent. Dans la pénombre mystérieuse d’une chapelle où fleure l’oliban,

  1. Voyez Mazouna, dans la Revue du 15 novembre 1921.