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LA LOI DE HUIT HEURES
JUGÉE PAR LES FAITS

La question de la limitation légale de la durée du travail, c’est-à-dire de l’intervention du législateur sur un domaine duquel pendant de longs siècles il s’était tenu écarté, a pris, au cours des dernières années, et particulièrement depuis la guerre, un développement extraordinaire. Non seulement elle a donné naissance à des lois et règlements qui, chez de nombreuses nations, ont traité de la matière ; mais elle a débordé les frontières des peuples et a fait l’objet des délibérations d’organes internationaux, essayant d’établir une législation internationale et de lier ainsi les divers groupements humains les uns vis-à-vis des autres.

La loi de huit heures, brusquement imposée à la France par une sorte d’improvisation gouvernementale et parlementaire, a produit un véritable bouleversement dans les conditions du travail, de la production industrielle, de l’activité commerciale de notre pays. Appliquée avec un zèle qu’il est permis de qualifier d’excessif, elle a entraîné des conséquences que personne n’entrevoyait d’abord, ou plutôt sur lesquelles on a voulu fermer les yeux. Le réveil a été rapide et douloureux. De toutes parts il a fallu constater le relèvement des prix de revient, qui, à une époque où le renchérissement de la vie est un des plus graves sujets d’inquiétude, rend plus difficile la solution des problèmes économiques. C’est par milliards que se chiffrent les pertes annuelles que subit de ce chef la communauté, et cela au moment où la concurrence étrangère est plus pressante que jamais. Les augmentations invraisemblables d’effectifs du personnel auxquelles il a fallu procéder, l’accroissement soudain