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morceau détaché du long mémoire qu’il adressait à l’Académie sous le titre : Fragment d’une histoire, de la formation et des progrès du Tiers-État, XIIIe et XIVe siècles.

Faite le 1er août par J.-A. Letronne, cette lecture, qui comprend l’histoire des légistes, fondateurs et ministres de l’autocratie royale et le tableau des Etats Généraux de 1302, 1355 et 1356, obtint une unanime approbation. C’était pour l’auteur, après un long silence de cinq ans, une belle rentrée de carrière et la sympathie universelle, après le malheur qui venait de ravager sa vie, allait à la force d’âme qui le dressait encore pour un nouveau « dévouement à la science. »

Mme de Belgiojoso assistait à la séance. Revenue de Locate au commencement de mai, elle n’avait fait que toucher barre à Paris pour aller presque aussitôt retrouver Augustin Thierry à Port-Marly.

Joyeux d’une réunion que l’un et l’autre pensaient définitive, que de projets d’avenir ne formaient-ils point ! De tous, le plus chèrement caressé par l’historien, était cette installation côte à côte rue du Mont-Parnasse, en deux pavillons voisins, isolés sous les charmilles d’un grand jardin. La Princesse l’encourageait : « Nous n’aurons plus besoin de campagne, affirmait-elle, le Mont-Parnasse nous en tiendra lieu. »

De fait, elle exagérait à peine. Le revers extrême de la Montagne Sainte-Geneviève, l’antique Mons Lucotitius, où Balzac situait quelques années plus tôt la demeure de son baron Bourlac, était alors une quasi-solitude, assez mal accessible, mais riche d’ombrages et de beaux arbres, épaves des parcs conventuels dévastés par la Révolution. Une petite colonie d’artistes et de gens de lettres commençait de s’y établir : Sainte-Beuve habitait le numéro 11 et quelques maisons plus loin Henri-Martin et Edgar Quinet.

Il avait été convenu qu’ils feraient construire, chacun pour son compte, ces deux pavillons, reliés entre eux par un jardin d’hiver, l’un ayant presque les proportions d’un petit château pour la Princesse ; l’autre, de dimensions plus modestes, pour Augustin Thierry.

Ce dernier se préoccupait beaucoup du logis, où, dans sa pensée, il devait terminer ses jours. Il avait tenu à se transporter sur place, pour mieux apprécier la disposition des lieux et s’était fait soumettre tous les plans qu’on avait modifiés selon