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Bien entendu, le fetva nationaliste débutait par la formule consacrée : « Que Dieu garde toujours le Calife des Musulmans, garant de l’ordre dans le monde. » Ainsi, en quelques jours, une situation nouvelle était créée ; ainsi se trouvait réalisé un état de choses que les Alliés auraient dû prévenir à tout prix : les insurgés d’Asie devenaient, aux yeux de leurs compatriotes, les seuls représentants d’un Etat ottoman indépendant et souverain, et, pour l’Islam tout entier, les défenseurs du Calife et de la Foi.


LES ORIGINES DU MOUVEMENT ANATOLIEN

Mais, pour bien comprendre l’évolution du mouvement nationaliste en Anatolie, il faut revenir à ses origines. A la fin de janvier 1919, les Anglais refoulèrent sur Trébizonde les 15 000 Turcs qui tenaient encore au Caucase. Cette petite armée, au cours de sa retraite, souleva et organisa les musulmans de Transcaucasie et d’Azerbaïdjan. Le but semblait être tout à la fois de résister aux Anglais et de s’opposer à la réalisation des projets que les Arméniens, soutenus par les Anglais, poursuivaient alors parallèlement à Erivan et à Constantinople. C’est dans cette dernière ville que, vers la fin de 1918, les Arméniens et les Grecs avaient conclu entre eux l’alliance politique, aux termes de laquelle les territoires situés le long de la Mer-Noire devaient être partagés entre les deux peuples et former à l’Est l’Etat arménien, à l’Ouest l’État grec du Pont. Les Turcs, dans leur effort pour reconquérir ou pour conserver cette partie de leur domaine, luttaient donc en même temps contre les Alliés, — en l’espèce, les Anglais, — et contre les chrétiens ottomans d’Asie.

Dès ce moment, l’Union et Progrès joue un rôle important dans l’organisation de la résistance turque : c’est Nouri Pacha, le frère d’Enver, qui dirige à Bakou le mouvement azerbaïdjanais ; c’est Chevfik Pacha, l’ancien commandant de la IXe armée, qui soulève et enrôle les Lazes et les Kurdes ; le Comité a son propre délégué en Arménie : c’est Naïl Dey. Mais le Comité a changé de nom : l’Union et Progrès s’appelle maintenant Tédjeddoud, Rénovation.

Cependant tous les chefs du mouvement n’étaient pas des Unionistes : on trouvait parmi eux des officiers qui n’avaient jamais été mêlés à la politique, ou même qui étaient ouvertement