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Mais tout ceci ne peut être aujourd’hui qu’esquissé.

Ce qui est sûr, ce qui est maintenant établi, c’est que : 1° aucun moyen actuellement décrété n’existe, d’empêcher l’Allemagne d’être en un temps très bref prête à la guerre chimique ; le désarmement de l’Allemagne au point de vue chimique est inexistant ; 2° nos alliés et spécialement les Américains considèrent que la guerre de l’avenir sera surtout une guerre chimique ; ils n’y voient pas d’inconvénient moral et considèrent l’engin chimique comme aussi humain, sinon plus, que les autres engins. Ils se préparent activement à la guerre chimique ; à cet égard, il importe que l’opinion publique et les pouvoirs publics français soient éclairés.

Un livre vient de paraître à New-York, Chemical Warfare, qui a pour auteur le brigadier général Amos A. Pries et le major C. J. West. Ce sont deux des très éminents techniciens militaires des États-Unis ; le brigadier général A. A. Pries a été et est encore aujourd’hui le chef suprême du service chimique de guerre des États-Unis. Cela donne une autorité et une importance particulières à ses opinions. Voici notamment ce qu’il écrit dans son récent ouvrage :

Il n’y a aucun domaine où les possibilités futures soient plus grandes que dans la guerre chimique, et il n’y a aucun domaine où le temps perdu pour la recherche et la préparation puisse avoir des conséquences plus désastreuses. Le gaz toxique dans la guerre mondiale s’est montré une des armes de combat les plus efficaces. Ne serait-ce que pour ce motif, cette arme ne sera jamais abandonnée. On ne peut pas la supprimer par un accord...

Ce livre du brigadier général A. A. Pries et du major C. J. West contient relativement au service chimique de guerre américain plus d’un renseignement et plus d’un enseignement qui seraient bons à méditer chez nous.

Parlant littéralement de rien, les Américains en neuf mois ont élaboré un service qui a obtenu très vite un maximum d’« efficiency... » J’emploie à dessein le mot anglais qui est difficile à traduire dans la langue française et plus difficile encore à traduire dans les habitudes de nos administrations. Rien qu’à Washington, le service des recherches utilisait un personnel de 1 200 chimistes, parmi lesquels des savants de réputation mondiale.

L’usine d’Edgewood, véritable arsenal chimique construit dans un endroit désert du Maryland. suffit à donner une idée de l’effort chimique américain. A partir d’octobre 1918, on y a employé 10 247 hommes et on a fabriqué en quantités la chloropicrine, le