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LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES
UNE NOUVELLE « VIE DE JÉSUS » [1]

Il y avait naguère un jeune écrivain italien, redoutable et un peu cynique, fameux par ses boutades, par la cruauté de ses sarcasmes, et par l’âpreté agressive de ses convictions nihilistes. Il ne respectait rien ni personne. Ne proclamait-il pas les bienfaits de la guerre et l’utilité des massacres ? Sur quoi, un journal catholique dénonçait ce « petit Néron « et ce « dangereux histrion, » et réclamait pour lui les rigueurs de la censure, comme l’Ancien Régime mettait Voltaire à la Bastille. Mais voici que, brusquement, tout change : Giovanni Papini fait une volte-face éclatante. L’athée, l’iconoclaste est touché par la Grâce. Il rentre dans le sein de l’Église, et nous en donne pour gage une Vie de Jésus-Christ qui est le plus populaire des livres de l’année : les éditions s’enlèvent par vingt mille exemplaires. Et la Civiltà Cattolica salue comme un signe des temps le retour de la brebis perdue qui, d’un objet de scandale, devient publiquement un objet d’édification.

Il n’y a pas de roman plus dramatique qu’une conversion, mais il faut savoir ce qu’était en Italie, depuis vingt ans, le sacrilège auteur des Mémoires de Dieu, pour se figurer l’émotion et la curiosité qu’a pu y susciter l’apparition de la Vie du Christ. A la vérité, le mystère s’explique sans trop de peine. M. Papini était de ces passionnes que guette la croyance. Il appartenait à l’espèce des chrétiens qui s’ignorent.

  1. Giovanni Papini : Vita di Cristo, 1 vol. in-16 de XXIX-638 pages, Florence, Vallecchi, édit. 1921. Cf. Maurice Vaussard, L’intelligence catholique dans l’Italie du XXe siècle, préface de Georges Goyau, 1 vol. in-16, Paris, V. Lecoffre, 1921.