Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
POÉSIES

TITUS AUX ENFERS


I


Pâle clarté des morts, ô saison monotone,
Je regrette toujours, sous vos ifs toujours verts,
La canicule ardente et le gel des hivers.
Sur la rive où languit l’éternelle anémone,
Par pitié, qu’un rayon du soleil des vivants
Se glisse ! Eveillez-vous, ô murmure des vents ;
Enveloppez mon front, que je respire encore
Le frisson du feuillage, et cette acre senteur
Qui des vignes du soir s’exhale avec lenteur.
Et le parfum mouillé des roses dans l’aurore !
Depuis que je les vis pour la dernière fois.
Comme ils ont dû pousser, les arbustes des bois !
Tous ces lieux tant aimés, ah ! les reconnaîtrai-je ?
Titus n’est plus qu’une ombre au souterrain séjour,
Et, changeant de couleurs, de plaisirs tour à tour.
Les mois à travers champs déroulent leur cortège…
Cette heure ténébreuse est trop longue… J’attends
Qu’une rumeur d’eau vive annonce le printemps.
Dites, vous qui restez aux jardins de la terre.
L’alouette au soleil lance-t-elle son cri,
Et l’amandier précoce a-t-il déjà fleuri ?
Ma cendre, qui dormait dans cette urne de pierre.
Tressaille, et sent peser plus lourdement la nuit.
Compagnons de Titus, souvenez-vous de lui !