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A la gloire de ces îles sacrées et à tous leurs souvenirs, MM. Daniel Baud-Bovy et Frédéric Boissonnas viennent d’élever un véritable monument, de dédier un livre [1], haut et spacieux comme un temple, parfait en ses proportions, irréprochable et magnifique d’exécution, La seule vue de ce bel in-folio est déjà une joie pour les yeux.

Avec ses ors discrets, le vélin blanc et poli comme un marbre de sa reliure, les rouges antiques de ses fers et de ses gaufrures, les figures de dauphins qui décorent ses plats, ses motifs ornementaux du type grec le plus pur, ce volume architectural évoque la silhouette harmonieuse d’un petit sanctuaire classique comme l’Erechtéion ou la Victoire Aptère, tels du moins qu’ils devaient être au temps de leur splendeur et de leur nouveauté, lorsque leurs corniches, leurs chapiteaux, leurs parois brillantes et fraîches s’égayaient de dorures, de reliefs en couleurs et d’images peintes. Ouvrez le livre, — j’allais dire : franchissez le péristyle, — et c’est un nouvel enchantement : beauté lapidaire de l’impression, magnificence des papiers, variété des encres, douceur des teintes, polyphonie des tons, construction savante des masses typographiques, décoration ingénieuse, subtile et prodigieusement diverse, tout cela contribue à faire de ce livre un monument réellement à part, au milieu de la production hâtive d’aujourd’hui. Par ce temps de mauvais papiers, d’illustrations bâclées, de reliures économiques, ce fastueux volume prend une valeur incomparable. Etant donné l’actuelle cherté de tout, et les matières exquises employées par les éditeurs des Cyclades, on ne s’étonnera pas des prix royaux qu’atteint ce chef-d’œuvre de typographie.

Dès le premier feuillet tourné, tout de suite les regards sont captivés par les abondantes et comme inépuisables illustrations de ce grand livre d’images. Ce sont les héliogravures exécutées d’après les clichés de cet étonnant guetteur de paysages qu’est Frédéric Boissonnas. Il excelle à faire rendre aux ciels, aux terrains, aux surfaces mouvantes des eaux leur maximum d’effet pittoresque. Il sait les éclairages favorables, les contrastes imprévus et paradoxaux, les reflets inouïs qui transfigurent le site le plus désolé, la ruine la plus ingrate ; il est rompu à tous

  1. Des Cyclades en Crète, au gré du vent, par Daniel Baud-Bovy et Frédéric Boissonnas. Genève, Boissonnas et Cie.