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conforme au droit des peuples que les Rhénans soient délivrés de la tyrannie des fonctionnaires prussiens et dont la faculté de régler eux-mêmes la place qu’ils veulent avoir et le degré d’autonomie dont ils souhaitent jouir dans le cadre du Reich. Les inquiétudes mêmes qui font délirer la presse allemande ne sont-elles pas l’indice le plus sûr que les sentiments des Rhénans ne sont peut-être pas tout à fait ce qu’affirme la presse de Berlin et de Francfort ?

La note énergique que la Conférence des Ambassadeurs a envoyée le 1er décembre à l’ambassadeur du Reich à Paris a mis le comble à la fureur de la presse allemande et particulièrement bavaroise. Il s’agit des attentats dont furent récemment victimes des officiers de la Commission interalliée de contrôle à Stettin, Passau et Ingolstadt. Avant le 10 décembre, le premier ministre de Bavière devra écrire une lettre d’excuses à la Commission interalliée ; les villes de Passau et d’Ingolstadt devront payer chacune 500 000 marks-or, faute de quoi les Alliés prélèveront à leur profit ces sommes sur les ressources que le Gouvernement bavarois tire du Palatinat occupé par les troupes françaises. Cette mise en demeure soulève, dans la presse, une véritable tempête ; elle y voit la première application d’une méthode nouvelle et plus rigoureuse. C’est cette presse, ce sont les organisations réactionnaires et militaristes, qui excitent le sentiment public et provoquent de tels incidents. Comment s’étonnent-elles qu’à la fin la patience des Alliés soit à bout et ait recours à des moyens efficaces. La Gazette de Francfort « affirme avec une certitude tranquille qu’il n’y a pas, sur toute la terre, un peuple qui, en face des exigences de vainqueurs dont l’orgueil serait devenu aussi excessif, aurait surpassé la patience allemande. » De pareils propos, des discours tels que celui de M. Streseman le 26 décembre, ou encore les arguments de certains sénateurs américains en réponse à l’énergique campagne de M. Clemenceau, sont, en vérité, déconcertants ; ils témoignent de l’étrange incapacité de certains hommes, peut-être de certains peuples, au raisonnement logique, à l’enchaînement des idées, à la justice. Ce sont, hélas ! de telle incompréhensions qui suscitent, entre les peuples, les irréductibles malentendus d’où sortent les haines et les guerres.


RENÉ PINON.


Le Directeur-Gérant :

RENÉ DOUMIC