Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/963

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant dans les régions déjà occupées que dans celles que l’un déciderait éventuellement d’occuper, des gages productifs sur lesquels pourrait être garanti un emprunt d’essai, qui serait employé partie à un paiement de réparations, partie à l’assainissement de la monnaie du Reich.

Quel que soit d’ailleurs le plan adopté, l’Allemagne se rend compte que la politique de ses gouvernants l’a conduite à une impasse d’où elle n’aperçoit plus que de désastreuses issues. Les bruits d’une prochaine occupation de la Ruhr, qui ont couru à la suite du Conseil du 27 novembre à l’Elysée, ont alarmé le Gouvernement et l’opinion ; le Reich aperçoit enfin les dangers d’une politique de résistance purement passive et il se demande si, pour prévenir des mesures de contrainte qui deviennent de plus en plus inévitables, le mieux ne serait pas de chercher un arrangement direct avec la France. Le chancelier déclarait, le 3, à l’Association des journalistes berlinois qu’il était disposé à engager des pourparlers directs avec la France au sujet des réparations. Mais que pourrait-il nous offrir qui ne soit pas un leurre et qui ne consiste pas à nous payer avec notre argent ou celui de nos alliés ? Aurait-il seulement le pouvoir d’empêcher la presse d’accumuler sur la France les calomnies les plus ignobles et les accusations les plus ineptes ? Depuis qu’on a parlé, dans la presse parisienne, de prendre des mesures pour expulser de la Rhénanie les fonctionnaires prussiens qui y entretiennent la haine de la France et y fomentent les passions belliqueuses, les journaux allemands affectent de croire que M. Poincaré prépare l’annexion de la rive gauche du Rhin. La Gazette de Francfort donne le ton ; elle répète chaque jour que les Rhénans sont Allemands et veulent le rester. A force de ressasser que la France « impérialiste » s’apprête à violenter les sentiments des Allemands du Rhin, on est arrivé à le faire croire même à des hommes comme M. Fœrster, qui nous adjure de respecter le droit des peuples. C’est ainsi qu’on agite l’opinion et qu’on tient l’Allemagne dans un état perpétuel de haine trépidante et de folle crainte. C’est une véritable maladie mentale que l’on déchaîne sur un peuple devenu incapable d’esprit critique et de raisonnement objectif. Faut-il donc redire que la France a un trop grand respect pour la conscience des peuples pour les annexer malgré eux ? De tels attentats au droit, des Allemands seuls seraient capables ; ne les entendons-nous pas, ouvertement, réclamer un nouveau partage de la Pologne de concert avec les bolchévistes russes ? Il n’est pas question de séparer de force la Rhénanie du Reich ; mais il est