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Dans ces conditions, on se demande par quelle aberration d’un aveugle nationalisme, tandis que les plénipotentiaires français à Lausanne s’emploient dans l’intérêt des Turcs, à Constantinople, en Cilicie, ailleurs encore, les fonctionnaires d’Angora multiplient les vexations inutiles et les mesures prohibitives contre nos écoles, nos banques, nos chemins de fer. De toutes parts s’élève un concert de plaintes justifiées contre les procédés de l’administration turque qui paralyse les affaires et ruine l’œuvre séculaire des Européens dans l’Empire ottoman. Il est temps qu’une bonne paix intervienne pour mettre fin à une politique d’exclusivisme qui provoquerait sûrement la ruine définitive de la Turquie en achevant de lui aliéner les sympathies françaises. Il est encore impossible de dire si l’œuvre de restauration et de réparation entreprise à Lausanne aboutira à la pacification dont l’Orient a tant besoin ; des questions très délicates, celle du régime qui remplacera les capitulations, par exemple, sont loin d’être résolues. Mais un résultat d’une haute portée générale a été déjà obtenu : les Alliés, et particulièrement l’Angleterre et la France, ont manifesté par des actes leur solidarité inébranlable et leur volonté d’aboutir. Quand cette condition première est réalisée, le reste est bien près de nous être donné par surcroit. Puisse l’entente établie sur le Bosphore et à Lausanne se prolonger jusqu’à Londres et à Bruxelles, où sa solidité va être mise à l’épreuve !

M. Poincaré, inaugurant, le 26 novembre, un monument à Bouligny, dans la Meuse, faisait entendre un éloquent et chaleureux appel à l’union sacrée de tous les partis en face de l’Allemagne récalcitrante : « Avant la fin de l’année, la France et ses alliés vont se trouver en présence des plus graves problèmes extérieurs ; ils auront à prendre des décisions importantes dont dépendra en partie notre avenir. » Le 23, M. Poincaré avait reçu à Paris MM. Theunis et Jaspar ; ils lui avaient déclaré qu’ils seraient heureux d’offrir à une Conférence interalliée l’hospitalité de Bruxelles, pourvu que, par avance, la France et l’Angleterre se fussent mises d’accord sur les lignes générales de la politique à suivre, et qu’elles ne vinssent pas donner à Bruxelles le désolant spectacle de leurs divisions. Le 27, un Conseil réunissait à l’Elysée les compétences financières et militaires pour étudier le programme que la France devrait présenter à l’agrément de ses alliés. Le 8 décembre, M. Poincaré est parti, avec M, de Lasteyrie, pour Londres où l’ont rejoint. M. Mussolini. . et M, Theunis ; les délibérations s’y poursuivent, à l’heure où nous écrivons, dans cette atmosphère de confiance et de franchise où,