Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/957

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vient de publier des documents qui jettent un jour singulier sur la politique britannique dans le Proche-Orient. Le prince André, frère de l’ex-roi, vient d’être condamné au bannissement perpétuel ; plusieurs généraux, dont le chef d’état-major Dousmanis, qui fut l’âme damnée de Constantin, et M. Sterghiadès, ancien haut commissaire en Asie Mineure, vont être jugés ; mais il semble que l’ère sanglante soit close ; l’effet produit en Europe sur l’opinion publique a été déplorable et la tâche de M. Venizélos ne s’en est pas trouvée facilitée. A peine la nouvelle de l’exécution était-elle connue à Londres que M. Lindley recevait l’ordre de demander ses passeports et quittait la Grèce. Les événements d’Athènes ont eu leur écho à Lausanne et auront peut-être leur répercussion sur la solution de la question de Thrace.

Ismet pacha, à l’une des premières séances, a soulevé la question des frontières de la Turquie en Asie. Du côté du Caucase, elles sont réglées par le traité de Kars, du côté de la Syrie, par les accords d’Angora que le Gouvernement turc tient pour définitifs. Reste le problème des frontières avec la Mésopotamie ; les Turcs revendiquent Mossoul et par là se trouve soulevé le redoutable problème des pétroles. L’Angleterre, a dit le 23 novembre M. Bonar Law, « ne tient pas à rester en Mésopotamie pour s’y approprier le pétrole qui s’y trouve ; » mais la Turkish Petroleum Company n’est peut-être pas du même avis. Les Etats-Unis ne sont pas représentés à Lausanne par un plénipotentiaire mais par un simple observateur, M. Child ; dès lors qu’il s’agissait des pétroles, M. Child, ému sans doute par le bruit qui s’accréditait qu’un accord se préparait dans les coulisses entre l’Angleterre et la Turquie, crut devoir sortir de sa réserve et fit, le 25, une déclaration ; avant même que la question ait été officiellement portée à l’ordre du jour de la Conférence, il affirmait l’attachement des États-Unis au principe de l’égalité de traitement économique et spécifiait qu’ils ne reconnaissent aucun accord particulier passé avec les Turcs en dehors de la Conférence.

La surprise et l’émotion provoquées par l’intervention de M. Child furent d’autant plus fortes que les plénipotentiaires tures s’en félicitèrent comme d’un succès et voulurent y voir une adhésion aux principes que, d’accord avec les bolchévistes, ils mettent en avant quand ils dénoncent la politique coloniale des Grandes Puissances, les zones d’influence, les privilèges économiques et même les capitulations. M. Child parut quelque peu embarrassé de son succès et préoccupé d’atténuer l’effet de ses déclarations ; on lui fit remarquer que la