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traité de Neuilly lui donne droit. M. Benès, venu à Lausanne le 29, n’a sans doute pas manqué l’occasion d’encourager un rapprochement balkannique qui tend à rattacher la Bulgarie au système de la Petite Entente. La Pologne, que les Puissances auraient été bien avisées d’inviter à la conférence puisqu’elle est intéressée à s’assurer un débouché économique sur la Méditerranée par les Détroits, est tenue au courant de ce qui se passe à Lausanne par son alliée la Roumanie. Ainsi va se consolidant la nouvelle Europe centrale.

La Bulgarie pousse plus loin ses revendications. Elle allègue que la Grèce, même si elle en avait la volonté, n’aurait pas les moyens matériels de lui assurer à Dédéagatch l’usage d’un port bien aménagé et des voies d’accès qui y conduisent ; qu’elle restera impuissante à mettre en valeur cette Thrace occidentale qui, sous l’administration française du général Charpy, s’était, en quelques mois, transformée, et que la paix des Balkans serait moins précaire et leur prospérité économique mieux assurée si cette province était attribuée à la Bulgarie, quitte à en stipuler la démilitarisation. La Conférence ne sera sans doute pas disposée à entrer dans cette voie ; elle s’en tiendra aux stipulations du traité de Neuilly. Ce qui est important pour la politique générale, pour la France en particulier, c’est cette première esquisse d’entente balkanique que les événements ont fait naître et qu’ils se chargeront de développer. Dans les Balkans, le fondement de l’ordre et de la paix c’est l’alliance entre le royaume des Serbes, Croates et Slovènes et la Roumanie, qui furent nos alliés durant la Grande Guerre et dont la politique, par la Petite Entente, est si étroitement associée à la nôtre. Mais la Bulgarie occupe le centre géographique de la péninsule ; elle est habitée par un peuple d’agriculteurs vaillants au combat et au travail ; c’est elle qui, par sa position, est destinée à faire barrière en face de la poussée turque si elle venait à se manifester ; il est d’un intérêt capital pour la paix européenne de ne pas la rejeter dans l’alliance de la Turquie et de la Russie soviétique. La Grèce, au contraire, État maritime, insulaire et péninsulaire, sera toujours sous la dépendance de la Puissance maîtresse des mers. Là où notre intérêt est d’unir, le sien est de diviser. Ne possède-t-elle pas, du Mont Olympe aux bouches de la Maritza, une longue bande de territoire avec des ports tels que Dédéagatch, Cavalla, Salonique, qu’il lui serait bien difficile de défendre contre l’assaut éventuel d’un bloc balkanique reconstitué ?

Les récents désastres qui ont ruiné la puissance militaire de la Grèce viennent d’avoir à Athènes un sanglant épilogue qui compromet