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Chronique 14 décembre 1922

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE

La Conférence de Lausanne poursuit sans précipitation, mais aussi sans irréparables heurts, le laborieux règlement de la question d’Orient. Dans les premiers engagements, on a évité d’aborder de front les obstacles ; on a commencé par les mesurer, par en faire le tour ; mais les questions sont posées et bien posées, les positions sont prises et bien prises. Partout où s’affirme le bon accord de l’Angleterre, de la France et de l’Italie, les difficultés s’aplanissent d’elles-mêmes et les oppositions se taisent. On peut espérer qu’une œuvre de justice et de paix sortira des délibérations de Lausanne.

La première question examinée fut celle des frontières de la Turquie en Europe. Ismet pacha, ministre des Affaires étrangères et premier plénipotentiaire ottoman, demanda que, conformément an pacte national d’Angora du 28 janvier 1920, un plébiscite décidât du sort de la Thrace occidentale. Il fit valoir qu’un large territoire, situé sur la rive droite de la Maritza, a été cédé par la Turquie à la Bulgarie en 1915. L’argument n’était pas heureux, car c’est pour décider la Bulgarie à entrer en guerre contre l’Entente que la Turquie, sous la pression de l’Allemagne, a cédé ces riches plaines qu’elle réclame aujourd’hui. On touchait ainsi, dès la première escarmouche, au désaccord fondamental qui rend l’entente si malaisée : la Turquie oublie qu’elle a été, dans la Grande Guerre, agresseur et vain eue pour ne se souvenir que de ses récentes victoires sur de moindres adversaires ; les Alliés tiennent compte de ces derniers succès et de l’enthousiasme national qu’ils ont suscité parmi les Turcs, mais ils ne sauraient faire table rase de leur propre victoire dans une guerre plus longue, plus importante et plus décisive. Subsidiairement, Ismet pacha réclamait au moins Karagatch, faubourg d’Andrinople, situé sur la rive droite de la Maritza, avec la gare et le chemin de fer.