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du foyer), avait été déplacé de part et d’autre de sa position moyenne de 7 dixièmes de millimètre, ce qui correspond à une amplitude totale de près d’un millimètre et demie. C’est énorme, si on y réfléchit… bien que les passants n’aient pas soupçonné le phénomène et que le moindre autobus retentisse bien davantage dans leurs moelles.

Mais, en fait, depuis dix ans que l’Observatoire du Parc Saint-Maur enregistre les séismes, on n’en avait guère observé que 3 ou 4 aussi intenses que celui du 10 novembre dernier, et notamment le tremblement de terre de Chine du 16 décembre 1920, qui tua plus de 40 000 personnes dans le Kan-Sou et se traduisit à Paris même par un déplacement du sol d’environ 2 millimètres d’amplitude.

Ces vibrations très lointaines et affaiblies que nos sens ne décèlent pas dans le sol, les merveilleux et sensibles instruments que sont les sismographes, les mettent en évidence avec une parfaite netteté.

Ce qu’on utilise dans la construction des sismographes, c’est cette propriété essentielle de la matière qu’on appelle la force d’inertie et qui est peut-être, — et non pas seulement dans certaines administrations publiques, — la plus répandue et la plus irrésistible qui soit au monde.

Imaginons une lourde masse formant pendule et suspendue au plafond d’une auto par un fil léger. Donnons brusquement à l’auto un choc qui la déplace : arrêtée par son inertie, la boule suspendue va rester un instant immobile et, pour l’observateur placé dans l’auto, si celle-ci a été poussée vers l’avant, la boule semblera projetée vers l’arrière d’une quantité égale. Il est vrai qu’aussitôt après, entraînée par le fil qui la porte, la boule va se mettre à osciller, mais cet inconvénient sera d’autant plus faible qu’elle oscillera plus lentement.

Bref, par le moyen d’un pendule inerte et de durée d’oscillation suffisante, on peut observer les déplacements horizontaux du sol. Pour observer ses déplacements verticaux, il suffira au contraire de suspendre une masse inerte à un support horizontal, et il est facile de voir que pareillement ces déplacements seront constatés. Pour enregistrer les uns et les autres, il suffit de fixer sur la masse pendulaire un stylet traçant un trait sur un cylindre tournant enduit de noir de fumée. On obtient ainsi un enregistrement continu et permanent de tous les déplacements du sol petits ou grands. Bien entendu, dans la pratique, les sismographes comportent des perfectionnements délicats et nombreux, — et d’ailleurs variables d’un système à l’autre, — destinés à porter à un haut degré leur sensibilité et leur précision. Mais c’est leur principe seulement qu’il importait d’indiquer ici.