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Et alors on comprend... ou du moins on commence à entrevoir un peu ce qui se passe. L’écorce terrestre, ce plancher du mauvais théâtre, où se joue le mélodrame luminaire est, la géologie nous l’enseigne, formé de compartiments rocheux, assemblés à peu près comme les pièces d’une grande marqueterie, ou les cellules d’une mosaïque. Cette mince carapace écailleuse flotte sur la masse ignée de l’intérieur du globe, comme la pellicule de crème qui se forme à la surface d’un bol de lait. Les cellules de la marqueterie terrestre ont des centaines, des milliers de kilomètres de largeur. Elles sont plus ou moins bien…, plutôt mal que bien…, de niveau les unes avec les autres, comme les carreaux d’une vieille cuisine dont le plancher, peu à peu, s’affaisse. Il est donc clair que les points où les cellules du parquet terrestre sont le plus disjointes, sont précisément ceux où l’on constate les plus grandes dénivellations, c’est-à-dire ceux que jalonnent, comme nous venons de le voir, les régions sismiques. Et alors, lorsque, pour une des causes que nous allons dire, l’une des cellules se trouve soulevée ou affaissée par rapport à sa voisine, cela produit à leur point de jonction un petit choc, qui est un tremblement de terre. C’est pourquoi les effets destructeurs des séismes peuvent être délimités, généralement avec une très grande netteté, sur le terrain. Ils seront évidemment désastreux aux points où le bloc déplacé se trouve détaché violemment des cellules voisines, c’est-à-dire sur ces fentes le plus souvent rectilignes, qui séparent les pièces de la marqueterie terrestre, et que les géologues appellent des failles.

San-Francisco qui, on s’en souvient, fut détruit par le séisme du 18 avril 1906, était précisément construit sur une faille.

Quelles sont maintenant les causes qui provoquent ou du moins peuvent provoquer l’affaissement de l’une ou l’autre des cellules du parquet terrestre ? En première ligne, on peut invoquer le refroidissement progressif du globe. Celui-ci, on le sait, contient à l’intérieur une masse ignée, dont la température doit être très élevée, si l’on en juge par ce que nous laissent entrevoir les laves volcaniques, et les sources thermales. Cette masse interne, perdant peu à peu sa chaleur par rayonnement à travers l’espace interstellaire, se refroidit lentement, et par là même se contracte. Il se produit donc des vides entre le noyau et l’écorce, et celle-ci, se trouvant par places en équilibre instable, la marqueterie terrestre sera défoncée aux endroits où les pièces sont le moins solidement assemblées.