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sont les multiples manifestations de l’hostilité populaire, vrais précipices au fond desquels on pourrait aisément faire choir Louis-Philippe, roi des Français, pour instaurer à sa place le Duc de Bordeaux roi de France. Mme Hamelin nous montre quel beau ravin par exemple eût été la terrible explosion de révolte qui éclata à Lyon en novembre 1831. Elle regrette qu’on n’ait pas su en tirer profit. Les ouvriers exaspérés par leur misère auraient été à ceux qui leur eussent promis du pain. Il fallait tout simplement leur en promettre, déclare notre politicienne, et par eux, avec eux, on aurait fait une troisième Restauration. Il y a donc eu là une bonne occasion manquée, mais Fortunée Hamelin a tout l’air d’en attendre d’autres d’un avenir prochain. Il faudra, en l’occurrence, se montrer plus clairvoyants et aiguiller les soulèvements populaires vers des fins légitimistes.

Cette opportune utilisation des mouvements de révolte est un moyen de politique intérieure. Dans le jeu de la politique étrangère, n’y aurait-il pas aussi de bons atouts pour gagner la partie ? Ici, Fortunée Hamelin s’abandonne à des ardeurs inconsidérées. Poussée par un belliqueux entrain, elle ne s’embarrasse pas de scrupules et elle ameuterait volontiers l’Europe entière contre la France pour voir bouter dehors Louis-Philippe. Ce prince est d’origine révolutionnaire, et comment tous les monarques ne comprennent-ils pas que son facile avènement est pour leurs peuples un pernicieux exemple ? Les souverains devraient méditer l’aventure de Charles X et se convaincre qu’en admettant l’élévation au trône d’un ambitieux qui a bousculé le principe d’hérédité, ils risquent de voir un jour ou l’autre leur couronne saisie par quelque factieux. Tous les princes doivent sauvegarder où que ce soit la légitimité et ne point tolérer l’usurpation. Ainsi pense Fortunée, ainsi veut-elle que pensent tous les rois ou empereurs. Dès lors, elle estime que lus chancelleries agiraient sainement en se servant de la première complication diplomatique venue, comme d’une machine de guerre contre le roi-citoyen qui trône aux Tuileries.

Dans l’affaire des Pays-Bas, par exemple, où l’une contre l’autre se dressaient la Belgique et la Hollande, il aurait fallu faire bloc avec cette dernière, puisque Louis-Philippe soutenait le gouvernement de Bruxelles. Une autre fois, c’est la question d’Aucune. Au mois de décembre 1831, une insurrection avant