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unique cherche dans l’occupation la possibilité de vivre. Il est député. La poésie y perdra beaucoup et la tribune y gagnera peu. »

Mais. au dire de Mme Hamelin, la grande affaire, l’affaire primordiale, c’est d’attirer, c’est de se concilier le fameux républicain Armand Carrel, « Carrel qui seul est une armée, le premier de nos publicistes, le plus fécond, le plus naturel, dont l’éloquence est jeune et fraîche, dont l’injure est accablante, dont l’épée est aussi alerte que la plume. . Il est la pensée, la marche, l’emblème républicain. Dès que le bruit commence, les jeunes hommes s’en emparent pour le forcer à rester à l’écart, c’est leur religion, c’est la pagode. »

Pour développer ou faire naître de bons et solides sentiments royalistes dans toute cette république des lettres, il faut que des « salons sanctuaires s’ouvrent. » On y accueillera « ces jeunes gens » à bras ouverts, et, tout en les choyant, on leur fera entendre la saine doctrine. Malheureusement partout porte close et l’aimable politicienne s’afflige : « Je sais des gens, écrit-elle, qui avaient fort désiré que Mme Alfred de Noailles, si spirituelle, si ardente carliste, voulût bien ouvrir une maison où elle eût recueilli les sommités de toutes les opinions. Le grand âge de la princesse de Foix, les habitudes de son hôtel firent avorter ce dessein. Mme Arthur de la Bourdonnaye a fait quelques essais dont le succès devrait encourager, mais elle part de bonne heure pour la campagne et le manque d’union de son intérieur paralyse tout. J’ai vu Berryer au désespoir de la difficulté d’organiser seulement quatre maisons dans toute la ville. »

Ayant ainsi exposé les moyens de renforcer le parti pour lequel elle est toute prête à besogner, Fortunée Hamelin en vient à la tactique que ce parti devrait suivre. Sa politique n’est pas celle des pêcheurs de lune, mais plutôt celle des pêcheurs en eau trouble. Les temps sont fertiles en émeutes : pourquoi donc ne pas exploiter les commencements d’insurrection, pourquoi ne pas essayer de les manœuvrer habilement pour les faire tourner en fin de compte au plus grand dam de Louis-Philippe et au plus grand avantage du duc de Bordeaux ? « Notre révolution de 1830, écrit-elle, devrait se prendre comme les buffles de mon pays : reculer lorsqu’il arrive, puis le pousser dans les ravins qu’il côtoie et là lui jeter ses biens. »

Les ravins que le gouvernement de Juillet côtoie, mais ce