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Se comprendre ! Entre deux êtres, comme entre deux peuples, n’est-ce pas à cela que se doit appliquer tout le meilleur de la bonne volonté ? L’Espagne tout entière se tend en ce moment dans un formidable effort. Ici même, et longuement, je voudrais dire bientôt ce que sont aujourd’hui ses universités, ses littérateurs, surtout, fils du temps moderne, romanciers en même temps que critiques et philosophes, ses essayistes admirables. « L’Espagne meurt de son passé, » me disait à Madrid, il y a deux ans, un des hommes les plus remarquables que j’y ai rencontrés. Mais, il eut été plus juste d’affirmer : « Elle veut cesser d’en mourir ; elle cesse déjà » L’Espagne se soulève, elle se débat, elle cherche, et fait plus encore que tout cela : elle parvient. Avec quelle adresse et quelle patiente sournoiserie, l’Allemagne essaye de s’introduire dans le grand pays latin, de lui imposer ses lourdes méthodes, d’y diriger, d’y exploiter l’inquiétude, l’ambition nouvelles, nous croyons le savoir, mais point suffisamment. Et nous ne savons pas assez non plus, ce qu’est là-bas, dans certains milieux, l’influence française, ce que nos amis voudraient qu’elle y fût, ce qu’elle y pourrait devenir.

... Mais le sujet est vaste, presque infini. Il faut rester aujourd’hui sur cette terre de Galice, dans ce petit Saint-Jacques tout dallé de granit. Un seul train ou bien les diligences, disions-nous, pour y arriver. Des routes rares et mauvaises. L’isolement, en somme, l’abandon. Il n’est donc que plus merveilleux de trouver là ces pèlerins d’aujourd’hui que sont le souci de s’instruire, celui de s’élever, que plus émouvant d’y saluer, quand on le rencontre, cet autre pèlerin, bien plus vieux celui-là venu derrière l’empereur Charles, peut-être, au temps des légendes, et qu’on appelle l’amour de la France.


Dans une vaste salle claire de l’Université, la salle de physique, j’ai vu, placardées sur le mur, les affiches blanches de notre Sorbonne. Dans la petite bibliothèque particulière attenante à cette salle, et constituée depuis dix ans, avec tant de désintéressement, de patience et d’ardeur, par le doyen de la Faculté des sciences, don Ruperto Lobo y Gomez, j’ai vu