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en travail se boursoufle et se creuse. Et l’on se demandera longtemps de quel passé anéanti, ou de quel irrévocable avenir, vient ce gémissement qui ne cesse jamais… C’est celui des colombes qui hantent ces débris. Elles nichent aujourd’hui où soupèrent les rois. Et leur plume envolée se mêle aux pierres brisées, à l’herbe rampante, aux sournoises flaques humides qu’il faut éviter en marchant.


Certes, les monuments anciens, dans la cité compostellane, sont loin de présenter un tel délabrement. Leur conservation parfaite est au contraire remarquable. Dans le précieux hôpital que firent construire les Rois Catholiques, la fameuse chaîne esclavonne, qui tout autour des murs court sous le toit de tuiles, n’a vu les siècles rompre qu’un bien petit nombre de ses maillons. Au portail de San Jéronimo, à celui de San Félix, de San Agustin, les saintes et les saints, les fleurs, les bêtes naïves sur qui j’ai vu ruisseler de si lourdes pluies ou descendre des soirs d’un or si délicat, sont les mêmes qui recevaient, il y a quatre, ou cinq, ou six siècles, le temps qui passait. Mais ces arceaux rompus du palais de Gelmirez, ces ruines de l’époque qui fut le mieux rayonnante, sont comme le symbole d’autres ruines dont l’écroulement se continue, avec violence quelquefois, sourd et secret le plus souvent, mais que l’on entend bien, pour peu que l’on s’applique à justement écouter.

La foi meurt aujourd’hui dans la cité dévote. Sur « Monsieur Saint Jacques, » sur ce qu’il y a, — ou ce qu’il n’y a pas, — dans la châsse d’argent que les touristes examinent en parlant tout haut, l’oubli recommence à pousser ses fourrés et à mêler ses branches. Depuis bien des années déjà les pèlerins ne viennent plus ici qu’en très petit nombre, et seulement pendant les « Années Saintes, » — celles où tombe un dimanche la fête de l’apôtre. Alors, le premier jour de ces années-là l’évêque s’approche de la « Porte sainte » dont la grille est scellée dans une espèce de maçonnerie. Il frappe, avec un marteau d’or, les pierres qui s’écroulent. Et la grille ouverte ne sera plus refermée, scellée à nouveau, que le 31 décembre.

Sur la place de la Quintana où l’on descend, après avoir tourné dans la Via Sacra, par de longs escaliers herbus, la grille