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reposante à ces pieds déchirés, à ces regards brûlés !... Déjà passait le souffle bienfaisant de l’apôtre. Lui-même bien souvent venait au-devant de ses visiteurs. Les « Miracles » sont pleins de leur épuisement, et des secours aussi qui leur étaient apportés.

Ils prennent, ces Miracles, une saveur particulière, à être lus dans la version galicienne du livre de Calixte II. Cette version date du XIVe siècle. Le savant professeur à l’Université de Valladolid, Lopez Aydillo, qui s’occupa récemment de la publier, prend, à décrire d’abord le vieux manuscrit, un soin délicieux.

« Il est, nous apprend-il, relié en parchemin et constitué par quarante-cinq feuilles de papier de fil, plus deux feuilles de garde d’un papier différent... L’encre est noire dans le texte, et, dans les épigraphes, majuscules et signes de ponctuation, rouge ou verte... » Et la langue est cette savoureuse langue galicienne qui ressemble au portugais, et ressemble aussi au catalan, un peu au français, et même au provençal. La lisant, on croit voir l’auberge au bord de la route, et la route elle-même, le pèlerin malmené, les mauvais compagnons, et le saint apparu, les bêtes secourables, prendre la forme, la couleur qu’ils ont, dans les tableaux très vieux et très naïfs, et très lumineux.

Il ne dédaignait pas, le grand saint de Galice, le saint de Charlemagne et du roi Ramire, celui qui pour montrer aux preux de France la route de son tombeau ensemençait le ciel d’un chemin d’étoiles ; celui qui, à Clavijo, chargeait les troupes sarrazines, « monté sur un cheval blanc et la bannière blanche au poing ; »il ne dédaignait pas les petites besognes... Et cela fit sans doute qu’il se dressa si haut, que sur le monde entier son ombre fut si grande...

Certes il ne lui devait point déplaire que de grands personnages le vinssent visiter, et en tel nombre qu’il est bien impossible de citer seulement les plus considérables. Au hasard des beaux noms écrits dans les chroniques, voici saint Théobald, des comtes de Champagne, avec son ami Gauthier ; Pierre, évêque du Puy, et l’archevêque de Mayence ; sainte Isabel, reine de Portugal, et Louis VII, roi de France, venant de Palestine, et le Cid, le grand capitaine.

Et puis, Philippe le Beau avec Jeanne la Folle ; tous les rois