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déjà les pèlerins accouraient de toutes parts. Sans doute exagère-t-il un peu. Les musulmans et d’autres bandes pillardes faisaient les routes mal sûres pour qui venait de loin. M. Joseph Bédier affirme que « le culte galicien ne commença guère qu’au Xe siècle à attirer les pèlerins de France. » Et c’est au début du XIe siècle seulement que le roi de Navarre, Sanche le Majeur, dans la basse Navarre et la région de la Rioja, arracha aux infidèles les pays limitrophes de la route qu’étaient forcés de suivre les pèlerins de Saint-Jacques.

Toutefois, qu’ils vinssent de France ou d’ailleurs, les étrangers durent assez promptement accourir. C’est au IXe siècle que Neira de Mosquera, dans ses monographies, fait remonter l’institution des Caballeros Cambiadores, — des Chevaliers changeurs. Il emprunte aux annales de Galice et cite en langue galicienne ce curieux document :

«... Ils (les pèlerins) apportaient beaucoup de monnaies en or et en argent qui n’étaient pas connues, et beaucoup de maudits Hommes tuaient et volaient les pèlerins aussi bien dans la cité qu’en dehors d’elle ; de cela ils donnèrent avis au saint Roi, et il ordonna par sa lettre royale, à Brandela... d’aller à Compostelle de Galice, et qu’il réunisse deux des plus hauts Hidalgos d’elle (de cette ville) et deux habitants y demeurant... pour s’occuper des monnaies, de l’Or, de l’Argent et autres avoirs venus des terres lointaines qu’apportaient les pèlerins... et que ces Hommes Hidalgos fussent à la porte du chemin et que chacun mette là ses Tables dorées et peintes, et dedans de l’argent et des monnaies, et qu’ils les changeassent, et qu’ils eussent leurs hommes pour les assister qui ne fussent Mores ni Juifs ; et qu’ils pussent recevoir d’autres Hommes Hidalgos, chevaliers et leurs enfants : et qu’ils fissent confrérie en l’honneur de l’apôtre ; et qu’avec le gain on payât des cierges, et qu’on les mit pour qu’ils fussent allumés de nuit devant l’apôtre par ces pèlerins... Et que ces Hommes agissent en toute vérité... »


Les miracles, tout de suite, avaient commencé.

« Les aveugles voyaient, les sourds entendaient, les boiteux marchaient droit. » Les supplications étaient entendues, les péchés remis... Le bruit de tout cela courait par les routes, venait aux oreilles, étonnait d’abord. L’on eût dit les faibles