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Pourquoi les moutons prennent-ils le charbon dans les champs de la Beauce ? Parce qu’ils y rencontrent sur le sol des spores et les ingèrent. Pasteur fait voir qu’il suffit de mélanger des spores charbonneuses à la nourriture des moutons pour en tuer un grand nombre. Ces spores, répandues à la surface du sol, viennent des cadavres charbonneux que les bergers avaient la mauvaise habitude de dépouiller et d’enfouir sur place. Le sang et les humeurs imprègnent le sol et les bactéridies qu’ils contiennent y forment rapidement des spores pendant les chaleurs de l’été. Dans les lieux où on a enfoui des cadavres charbonneux, on peut trouver des spores à la surface pendant un temps très long. Pasteur a fait voir que les vers de terre remontaient les spores de la profondeur à la surface, et sont des agents de leur diffusion. L’énigme des champs maudits se trouve ainsi résolue ; on appelait ainsi les champs où l’on ne pouvait faire pâturer les animaux sans que la maladie éclatât parmi eux.

Ces travaux sur l’étiologie du charbon furent exécutés en collaboration avec Joubert ; c’est aussi avec lui que Pasteur fit la fameuse expérience sur le charbon des poules. Ces oiseaux sont réfractaires au charbon : on peut cependant le leur donner si, après les avoir inoculés, on abaisse leur température, qui est de 42°, jusqu’à 39°, et cela en les plongeant dans un baquet d’eau jusqu’à mi-cuisse. Un refroidissement suffit à créer chez elles une réceptivité qui n’existait pas.

Tout est clair désormais dans l’étiologie du charbon. « N’enfouissez plus en plein champ les bêtes mortes, mais dans des enclos spéciaux interdits au bétail, disait Pasteur aux fermiers de Beauce, et vous verrez diminuer la mortalité par le charbon. » Le conseil était excellent, mais son effet eût été bien long à se manifester. Heureusement, une autre méthode de prévenir le charbon devait naître d’expériences sur un sujet différent. M. Toussaint, professeur à l’Ecole vétérinaire de Toulouse, avait envoyé à Pasteur la tête d’un coq mort d’une maladie des volailles appelée choléra des poules ; son nom dit les ravages qu’elle causait. Ce choléra est l’œuvre d’un petit microbe qui apparaît dans le sang des poules qui viennent de succomber, sous forme d’un minuscule bâtonnet à bouts arrondis à peine plus long que large. Il croit facilement dans le