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instructions à l’usage des brasseurs, on y trouve des expériences sur la physiologie des cellules et sur la fermentation, conséquence de la vie à l’abri de l’air.


Pendant les travaux sur le vinaigre, sur le vin et sur la bière, le savant de laboratoire s’est parfois transformé en chef d’industrie. Pasteur apporte dans les celliers et dans les brasseries cette activité inlassable, et cette foi dans le succès qui entraînent les hommes. Des mêmes qualités, il fait preuve à un degré supérieur pendant les recherches sur la maladie des vers à soie. En 1865, J.-B. Dumas, dont Pasteur avait suivi les leçons, et pour lequel il ressentait une grande reconnaissance et une vive admiration, le pria de se rendre dans le midi de la France pour y étudier une maladie sévissant, depuis plusieurs années, sur les vers à soie et qui ruinait la sériciculture. Pasteur avait bien vu des vers à soie, mais il ignorait tout de leur structure et des pratiques de la sériciculture. Il accepta cependant la mission qui lui était confiée, parce qu’il avait le grand désir de rendre service à des populations malheureuses et aussi parce qu’il pensait que ses études antérieures sur les fermentations lui serviraient dans sa nouvelle entreprise. Accompagné de Raulin, de Gernez, de Duclaux et de Maillot, il visite les magnaneries, écoute ce qu’on lui raconte sur cette « pébrine » si meurtrière et si répandue.

Les opinions sont différentes, les renseignements contradictoires, il n’y peut trouver de point de départ pour une étude. La maladie n’était pas particulière aux magnaneries françaises, elle sévissait dans tous les pays séricicoles qu’elle envahissait peu à peu ; elle avait fait le sujet de travaux multiples, surtout en Italie et en Autriche. Cornalia avait décrit, chez les vers malades, des corpuscules que l’on voit au microscope ; ces corpuscules avaient été trouvés aussi dans les chrysalides, dans les papillons et les œufs. Le professeur Osimo avait conseillé de rejeter les œufs provenant de parents corpusculeux. Cependant un autre professeur, Cantoni, avait obtenu des vers corpusculeux sortis d’œufs pondus par des papillons exempts de corpuscules. Il y avait lieu d’être dérouté au milieu de toutes ces contradictions. Aussi Pasteur décide-t-il de tout voir par lui-même. Installe au Pont-Gisquet avec sa famille et ses préparateurs,