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Tout progrès dans la connaissance des fermentations retentit nécessairement sur plusieurs industries essentielles à notre existence. En effet, c’est un ferment qui fait lever la pâte du pain que nous mangeons ; le vin et la bière que nous buvons, le vinaigre dont nous assaisonnons nos aliments sont des produits de fermentation. Les fromages ne sont que du lait caillé travaillé par des microbes divers. Aussi, dès 1862, Pasteur s’occupe de la fermentation du vinaigre qui est d’un grand intérêt tant au point de vue théorique qu’au point de vue économique, il espère en la perfectionnant servir efficacement les doctrines qu’il défend. Les Annales de l’École normale de l’année 1864 contiennent tout un mémoire sur ce sujet. Le ferment acétique est une bactérie se développant par scissiparité et s’étalant en voile mince à la surface du vin ; elle fixe l’oxygène de l’air sur l’alcool et le transforme en acide acétique. Tout l’art du vinaigrier consiste à cultiver dans ses foudres à demi pleins, à la surface du vin, ce ferment acétique ou « mycoderma aceti, » à l’exclusion de tout autre organisme et en lui fournissant l’air qui lui est nécessaire. Pasteur enseigne comment on y parvient et, par conséquent, comment on évite les pertes dues à une fermentation impure. Les vinaigriers d’Orléans, d’où vient presque tout le vinaigre de vin, s’empressèrent de profiter de l’enseignement qui leur était donné et s’en trouvèrent bien. On ne fabrique pas du vinaigre seulement avec du vin, les Allemands en préparent avec de l’alcool étendu d’eau et auquel ils ajoutent un peu de bière aigre, ils font ruisseler lentement ce liquide sur des copeaux de hêtre placés dans des tonneaux défoncés, superposés les uns aux autres pendant qu’un courant d’air circule en sens inverse. L’oxydation de l’alcool se produit et il sort du vinaigre à la partie inférieure de la colonne. Les mêmes copeaux servent pendant des années ; pour tous les chimistes, ils jouaient le rôle d’un corps poreux, comparable à celui du noir de platine, qui, imbibé d’alcool étendu, au contact de l’air, provoque la formation d’acide acétique. Le célèbre chimiste Liebig, se refusant à voir un acte vital dans la fermentation acétique, niait que le « mycoderma aceti » fût pour quelque chose dans l’acétification de l’alcool dans le procédé allemand. Liebig soulevait à nouveau une de ces questions de principe que Pasteur ne laissait jamais passer sans y répondre. Vos copeaux, dit-il à Liebig, portent à leur surface du « mycoderma aceti » et si vous