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lactique, soit une fermentation butyrique, soit une fermentation alcoolique.

Puisque les ferments sont des êtres vivants, la question de leur origine se pose aussitôt ; naissent-ils de germes, ou apparaissent-ils spontanément dans les milieux fermentescibles ? Pour beaucoup de savants, la question était résolue, ils s’en tenaient à l’explication de Buffon, à savoir que toute matière organique, c’est-à-dire toute matière qui a vécu, ne meurt pas complètement ; la vie se conserve dans les dernières molécules capables de se réunir et de s’organiser en ces êtres infiniment petits et de formes variées que l’on voit dans la putréfaction et dans les fermentations. La croyance à la génération spontanée a régné pendant toute l’antiquité, elle n’a guère trouvé de contradicteurs jusqu’au dix-septième siècle. Dans le cours du dix-huitième siècle, elle a donné lieu à des controverses fameuses, elle paraît triompher avec Needham, puis succomber avec Spallanzani. Plus tard, Gay-Lussac, Schwann, Schulze, Schrœder et Dusch firent sur la cause de l’altération des substances organiques les expériences les plus ingénieuses ; il en résultait qu’il existe dans l’air un principe inconnu capable de déterminer l’altération des matières fermentescibles avec lesquelles il entre en contact, que ce principe ou cette substance est détruite par la chaleur et arrêtée par un tampon de coton, que cependant il est des cas où la fermentation se déclare sans qu’elle semble intervenir.

Cet obscur problème de la génération spontanée n’occupait pas seulement les naturalistes qui essayaient de l’éclaircir par leurs expériences, d’autres encore y prenaient un vif intérêt parce qu’ils espéraient y trouver un argument en faveur de leurs idées sur l’apparition de la vie à la surface de la terre. Les matérialistes tenaient l’hétérogénie pour certaine, les spiritualistes la regardaient comme impossible. Les uns et les autres apportaient, dans un sujet relevant de la science pure, une passion philosophique qui ne contribuait pas à le rendre plus clair.

Pasteur aborde la question de l’origine des ferments sans idée préconçue, il n’y voyait point matière à philosopher, mais matière à expérimenter en pleine indépendance d’esprit. Il était prêt à accepter la réponse de l’expérience quelle qu’elle fût.

Les expériences de ses devanciers n’ayant abouti à aucune conclusion certaine, Pasteur comprend que celles qu’il va entreprendre