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UNE AMITIÉ DE BALZAC.

Mille tendresses de cœur, et ne m’oubliez ni auprès de M. Carraud, ni auprès du commissaire. J’imagine que maître Ivan va bien, que je le trouverai grandi.

Adieu.

Honoré.


Puisque je vais chez vous, vous voyez que la grande dame a tort.

Balzac arriva donc à Angoulême le 17 juillet, ayant fait, à pied, à midi, par une chaleur torride le chemin de Saché à Tours pour aller prendre la diligence.

Pendant le séjour d’un mois qu’il fit à la Poudrerie, le romancier ne chôma point : « Je me lève à six heures (du soir) écrivait-il, je corrige les Chouans. Puis je travaille à la Bataille, de huit heures à quatre heures du matin, et pendant le jour je corrige ce que j’ai fait la nuit. » Il termina en dix jours Louis Lambert, commencé à Saché six semaines auparavant. Et, en une seule nuit, il écrivit la Grenadière, improvisée entre deux parties de billard. Formidables efforts ! « Je vous rappelle, écrivait, longtemps après, Balzac à Mme Carraud, ce que vous avez dit un jour de moi à Angoulême, lorsque, brisé d’avoir fait Louis Lambert, malade, et vous savez comment, je craignais la folie, je parlais de l’abandon où l’on laisse ces malheureux : « Si vous deveniez fou, je vous garderais ! » Jamais ce mot, votre regard ni votre expression n’ont été oubliés. Tout cela est encore en moi comme au mois de juillet 1832 ! » Et cependant, le 22 août 1832, Balzac quittait les Carraud pour aller rejoindre à Aix la marquise de Castries.

Marcel Bouteron.
(À suivre.)