- Madame,
Venez, je vous en supplie, à Paris[1] vendredi. Je vous communiquerai toutes les découvertes de la somnambule[2]. Je resterai chez moi jusqu’à cinq heures du soir.
Mon Dieu, que vous êtes bonne et scrupuleuse !
Demain je dîne avec le secrétaire particulier du ministre de la Guerre, bon ami et bon compagnon, qui n’aurait rien à me refuser. Vous avez encore le temps de me faire passer une note succincte ou de venir me voir demain matin. Que de fois il faut servir les gens malgré eux ! Laissez-moi porter tout le poids de cette affaire. Ainsi voyez et jugez.
J’ai mille millions de remerciements à vous faire pour la bonté que vous avez mise à vous occuper du Temps. J’y suis arrivé rédacteur de la manière la plus simple. Émile de Girardin, mon ami, m’a présenté à Coste, et, après qu’il a eu lu mes articles de journaux[3] et mon livre[4], il a paru attacher beaucoup d’importance à m’avoir. Mais je vous conterai toute cette affaire ; elle demanderait trop de détails, et ma lettre ne finirait pas. Ce serait vous occuper de moi par trop.
Si vous veniez demain matin, peut-être verriez-vous la séance de la somnambule, et cela en vaudrait la peine. Je reçois à l’instant le paquet[5]. Le docteur Chapelain[6] ne me donnera de rendez-vous que pour demain. Je le fixerai à une heure et je resterai chez moi jusqu’à midi.
- ↑ 1, rue Cassini (près l’Observatoire), où Balzac habitait alors.
- ↑ Balzac avait la plus entière confiance dans les somnambules. Il les consultait à toute occasion : « C’est un moyen, disait-il, de n’être abusé par personne. » (Lettres à l’Étrangère, I, 252, 261, 267.)
- ↑ Ses articles du Voleur, de la Mode, du Feuilleton des journaux politiques et de la Silhouette.
- ↑ La Physiologie du mariage ou les Scènes de la vie privée.
- ↑ Ce paquet devait contenir sans doute les objets nécessaires à la somnambule : » Si vous êtes curieuse de consulter, écrivait, plus tard, Balzac à Mme Hanska, il faudrait m’envoyer un petit morceau de linge de coton que vous mettriez pendant la nuit sur l’estomac de votre fille et qu’elle mettrait elle-même, sans que personne y touche, dans ce papier quelle mettrait dans une de vos lettres. » (Lettres à l’Étrangère, I, 261.)
- ↑ C’est à ce docteur Chapelain que Balzac écrivait en 1832, l’année du choléra, pour lui suggérer l’idée de « mettre aux prises une somnambule bien lucide avec les causes du fléau. » (Corresp., I, 147.)