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France, dans la mesure où son adhésion semble désirable. L’empereur d’Allemagne croit que la France penche du côté de l’Angleterre au point d’être même « son alliée secrète. » Cette supposition n’est cependant pas confirmée par les données très positives que nous avons sur les vues de notre alliée... L’empereur d’Allemagne pense que, pour décider le Gouvernement français à exercer une action modératrice sur l’Angleterre, il faudrait lui révéler l’existence d’un traité en bonne et due forme, conclu entre l’Allemagne et la Russie... Nous croyons, au contraire, que pour amener la France à faire cause commune avec la Russie et l’Allemagne, il faudrait prudemment la rendre solidaire de leurs intentions essentiellement défensives et pacifiques. Dans ce dessein, il serait désirable que la Russie, amie et alliée, agissant non par intimidation et contrainte, mais par persuasion, pût initier la France et la sonder suivant l’ordre d’idées exposé dans la notice ci-jointe. Cette démarche préalable, si elle était faite avec les précautions voulues, ne pourrait qu’inspirer à la France le secret absolu qui lui serait recommandé. Tel ne serait pas le cas devant un traité signé à son insu et auquel on l’inviterait à se conformer. Cette mise en demeure de « prendre ou de laisser » risquerait plutôt de la jeter dans les bras de l’Angleterre... Nous estimons que le meilleur moyen de lui faire accepter le projet si admirablement conçu par l’empereur Guillaume serait de la gagner d’abord amicalement à l’ensemble de cette grande pensée politique et de l’associer ensuite à ses détails. »

Les arguments de la notice portaient :

« L’attitude malveillante et même arrogante que le Gouvernement britannique, dominé par une presse et une opinion publique dévoyées, croit pouvoir adopter de plus en plus fréquemment à l’égard des autres Puissances, nous a inspiré, à l’empereur Guillaume et à moi, la crainte que la paix de l’Europe me soit spontanément troublée par quelque incident minime, que l’outrecuidance anglaise ferait fatalement dégénérer en un conflit. Afin de conjurer ce péril, nous jugerions utile de conclure un arrangement exclusivement défensif, qui assurerait réciproquement aux deux Empires voisins l’appui énergique de l’un, si l’autre était attaqué par une tierce Puissance européenne. Un accord de ce genre, dont les détails seraient à déter- miner, semblerait pouvoir servir de frein efficace contre une