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coûte que coûte à ce but, il pèche même par l’absence de logique. En effet, pourquoi la France qui aurait tout lieu de se sentir offensée de ce que nous lui aurions caché nos négociations avec l’Allemagne et l’aurions invitée à se joindre à un traité déjà signé, pourquoi observerait-elle dans ce cas le secret ? Et pourquoi ne le ferait-elle pas, si au préalable nous l’avertissions amicalement ? »

Ensuite, le ministre protestait violemment contre l’obligation que voulait nous imposer le Kaiser de dénoncer le traité une année à l’avance. Un arrangement politique de cette portée, disait-il, n’est pas un traité de commerce qu’on peut s’engager à dénoncer à date fixe.

Enfin Lamsdorff avouait à son maître que, réflexion faite, il en était revenu de l’idée d’initier la France à nos négociations avec l’Allemagne par l’entremise de l’ambassadeur de la République, puisque Sa Majesté devait le recevoir sans trop de retard.

Quant à l’empereur Guillaume, le ministre était d’avis qu’on devrait lui expédier, au plus vite, quelques paroles calmantes, que suivrait une lettre circonstanciée, avec toutes les explications requises.

Le Tsar apprécia ces considérations et demanda au ministre de lui préparer pour le lendemain un projet de lettre qu’il enverrait aussitôt.

Rentré de Tsarskoïé-Sélo, le ministre me fit venir chez lui pour me dicter ce projet de la lettre et une notice explicative pour le Gouvernement français.

Voulant donner à l’Empereur la latitude de la rédaction finale, Lamsdorff avait intitulé le premier document : « Analyse de quelques lettres et télégrammes de l’empereur Guillaume » et le second : « Notice sur les communications très confidentielles qui pourraient être faites au Gouvernement français. »

Les deux documents, copiés par moi dans la nuit, furent expédiés à Tsarskoïé-Sélo le 28 novembre de grand matin.

Voici les idées principales du premier document, autant que je me les rappelle :

« Les liens d’intime amitié entre les souverains de Russie et d’Allemagne et les relations traditionnelles entre les deux Empires voisins offrent une garantie suffisante de leur solidarité et de leur parfaite entente, lors même que celle-ci ne serait scellée par aucun document. Il est plus difficile d’y associer la