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L’Empereur partagea, en tous points, les opinions du comte Lamsdorff.

En quittant Sa Majesté, le ministre réitéra qu’il serait plus correct et plus prudent de prévenir la France que de l’inviter à s’associer à une combinaison déjà réalisée. La politique du « fait accompli » aurait froissé la France, tout en faisant le jeu du Kaiser.

Le 26 novembre, l’empereur Guillaume télégraphia de nouveau à Nicolas II, en le remerciant d’avoir résolu de ne rien dire à la France sur l’arrangement projeté sans son consentement. Il s’opposait décidément à ce que la France fût initiée aux négociations avant la signature du traité ; il craignait que, le cas échéant, la France n’en parlât à l’Angleterre, — to her friend, if not secret ally, — ce qui risquerait de provoquer une attaque de l’Angleterre et du Japon contre l’Allemagne, tant en Europe qu’en Asie :

Leur énorme supériorité maritime aurait vite le dessus sur ma petite flotte et l’Allemagne serait temporairement estropiée.

Tout l’équilibre général en serait bouleversé :

C’était mon désir spécial, — et autant que j’ai compris aussi ton intention, — de maintenir et de renforcer par un arrangement entre la Russie, l’Allemagne et la France cet équilibre mondial mis en danger... Une information préalable de la France mènerait à une catastrophe ! Si néanmoins tu penses qu’il est impossible pour toi de conclure avec moi un traité sans le consentement préalable de la France, il serait beaucoup plus sûr alors de s’en abstenir pour de bon. Certainement je serai tout aussi absolument discret sur nos pourparlers que toi-même. De même que tu en as informé seulement Lamsdorff, de même j’en ai parlé uniquement à Bülow qui m’a juré un secret absolu. Nos relations et sentiments réciproques resteront sans changement, tels qu’avant...

Dans la matinée du 27 novembre, le Tsar envoya ce télégramme au ministre, en le priant de venir à Tsarskoïé-Sélo à six heures de l’après-midi.

Les réflexions qu’inspiraient les suggestions du Kaiser et que le ministre ne manqua pas de soumettre à son souverain, étaient les suivantes :

« L’empereur d’Allemagne attache le plus grand prix à conclure le traité en dehors de la France et, voulant arriver