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aurait expliqué ainsi sa pensée : « L’Angleterre aura soin que la médiation oblige la Russie à évacuer la Mandchourie et la Corée, de façon que de facto le Japon obtienne tout ce qu’il veut ! »

Et le Kaiser ajoutait : « C’est ainsi que se présentent les choses aux yeux des Anglais, lorsqu’ils parlent amitié et médiation amicale. » Il affirmait enfin que la France savait tout cela et y sympathisait. En guise de compensations, les Japonais auraient l’intention de proposer à la Russie des acquisitions territoriales en Perse, mais certainement loin du Golfe que les Anglais se réservent à eux-mêmes.

Après cette nouvelle pointe non seulement contre l’Angleterre, mais aussi contre la France, le télégramme de l’Empereur se terminait par des assurances amicales : « Puisse Dieu te donner un succès complet, tandis que moi je continue à veiller sur toi partout ! »

Le 20 novembre, arrivait de Berlin l’attaché militaire allemand, apportant une nouvelle lettre de l’empereur Guillaume, en date du 17 novembre. Un projet de traité entre la Russie et l’Allemagne, écrit tout entier de la main du Kaiser, y était joint. Dans sa lettre, le Kaiser conseillait hardiment de toucher au point le plus vulnérable pour la Grande-Bretagne et d’agir du côté de la frontière afghano-persane :

Je sais et suis informé que c’est la seule chose dont ils ont peur et que la crainte de ton entrée aux Indes par le Turkestan et en Afghanistan par la Perse est la vraie et la seule raison pour laquelle les canons de Gibraltar et la flotte britannique sont restés silencieux pendant trois semaines ! La frontière des Indes et l’Afghanistan sont les seuls points du globe où l’ensemble de ses flottes de guerre ne peut être utile à l’Angleterre et où ses canons sont impuissants à rencontrer l’envahisseur ! La perte des Indes serait un coup mortel pour la Grande-Bretagne !

En terminant, le Kaiser exprimait l’espoir que le comte Lamsdorff recevrait des ordres immédiats pour la conclusion du traité.

C’était la première fois qu’il mettait une telle insistance, non seulement à vouloir dévoiler les intrigues de l’Angleterre, mais aussi à démontrer au Tsar la nécessité de réagir contre elle. Si l’Allemagne pouvait, par les mains des Russes, affaiblir l’Angleterre et surtout si elle pouvait lui porter ce coup mortel dont parle l’Empereur, ses désirs seraient enfin réalisés ! N’ayant