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Le 15 novembre, le Kaiser, revenant à la charge, télégraphiait à l’empereur Nicolas :

D’une source sûre aux Indes, je suis secrètement informé qu’une expédition au Thibet est préparée sous main en Afghanistan. On médite de mettre ce pays une fois pour toutes sous l’influence britannique et, si possible, sous une suzeraineté directe. L expédition part à la fin de ce mois. Le directeur de la manufacture d’armes de l’Emir, un Allemand, le seul Européen au service de l’Afghanistan qui ne soit pas Anglais, a été assassiné en guise de préambule à l’action ! — Les pertes des Japonais devant Port-Arthur sont, d’après mes informations, de 50 000 hommes. En conséquence, ils commencent à être fatigués de la guerre, ayant subi de trop grandes pertes. Ceci a fait qu’ils ont demandé la médiation à Paris et à Londres, et c’est pourquoi ces deux Puissances ont laissé leurs journaux renouveler les bruits sur la probabilité qu’elles pourraient servir de médiatrices. Le Japon espère, à l’aide d’un congrès, recevoir d’elles Port-Arthur et la Mandchourie. Je prépare à ton aimable lettre une réponse qui, je l’espère, ira à la rencontre de tes désirs. — Meilleures amitiés à Alice.

WILLY.


On voit que l’empereur Guillaume ne se contente pas d’attribuer à l’Angleterre des plans de conquête sur l’Afghanistan : il insinue aussi que la France se prépare à seconder les manœuvres qui auront pour but d’enlever à la Russie Port-Arthur et la Mandchourie.

Le surlendemain, 19 novembre, Guillaume II télégraphie encore. Après avoir confirmé ses précédentes informations sur l’Afghanistan, il assure que les Japonais sont navrés de la tournure qu’a prise la guerre et mortifiés par leur impuissance à obtenir un succès décisif ; leurs réserves sont épuisées, tandis que les forces fraîches des Russes ne font qu’affluer. Un général japonais aurait dit : « La soupe que nous avons préparée, nous la devons manger maintenant ! Les Japonais cherchent des médiateurs. Lansdowne aurait demandé à Hayashi (ministre à Londres) quelles seraient leurs conditions de paix. Les exigences de Tokio auraient été tellement excessives que Lansdowne a fait là-dessus une observation sévère à Hayashi. En réponse à la grimace de ce dernier, Lansdowne