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cette affaire le point de vue anglais et la France a pris vis à vis de l’Angleterre une attitude bienveillante. — Je joins à ces lignes le projet de l’arrangement. Personne n’en sait rien, pas même mon ministre des Affaires étrangères. Tout a été fait par moi et par Bülow.

La lettre se terminait par la phrase suivante :

Möge Gottes Segen ruhen auf dem Vorhaben der beiden hohen Herrscher und die mächtige dreifache Grappe, — Russland, Deutschland, Frankreich, — für immer Europa den Frieden bewahren helfen. Das wollte Gott ![1]

Le comte Lamsdorff fit tout de suite observer à Sa Majesté que cette proposition nous commandait une extrême prudence.

— L’empereur Guillaume, dit-il, cherche visiblement à connaître les pactes qui nous lient à la France, dans le dessein de nous brouiller avec elle. En tout cas, l’alliance franco-russe étant secrète, nous ne pourrions rien révéler de nos engagements sans le consentement de notre alliée.

— C’est juste, répondit Nicolas II. Préparez-moi une réponse dans ce sens pour l’empereur Guillaume.

Cette réponse fut expédiée à Berlin, quelques jours plus tard.


Le 12 novembre, le baron Romberg, chargé d’affaires d’Allemagne, se présenta chez le comte Lamsdorff pour lui déclarer confidentiellement ce qui suit :

— Par la voie diplomatique, on a appris à la Wilhelmstrasse que les Japonais, très affaiblis par la guerre, pensent à la paix et auraient même sollicité l’entremise de l’Angleterre qui se serait accordée avec la France, pour proposer à l’Allemagne une médiation à trois. Le comte Bülow ne voudrait rien entreprendre avant de savoir quelles seraient, le cas échéant, les dispositions de la Russie.

Le comte Lamsdorff répondit au baron Romberg qu’il avait de la peine à croire que la France se fût accordée avec l’Angleterre, à l’insu de la Russie, et que cette nouvelle lui paraissait invraisemblable.

  1. « Puisse la bénédiction de Dieu reposer sur les intentions des deux hauts Potentats et puisse le robuste groupe à trois, — Russie, Allemagne, France, — aider à maintenir toujours la paix de l’Europe ! Que Dieu le veuille ! »