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ses télégrammes et s’il déchiffrait ceux de son auguste correspondant ; quant à l’empereur Nicolas, il remit, d’emblée, le chiffre au comte Lamsdorff, qui, n’ayant pas de temps à perdre à cette besogne, pria l’Empereur de me confier, à moi, le chiffre et le soin de chiffrer ou déchiffrer la correspondance des deux souverains. C’est ainsi que j’ai été le premier à connaître le contenu des télégrammes du Kaiser, dont une partie a été publiée depuis la Révolution.

Le premier télégramme de cette collection se rapporte à l’époque qui a suivi l’entrevue de Mürzsteg ; il est en date du 1er décembre 1903 et rédigé, comme tous les télégrammes subséquents, en anglais. Voici la traduction :

Tu as dû voir, d’après les reproductions publiées des discours prononcés en Angleterre et en France, combien les Puissances occidentales sont fâchées de ce que le programme de Mürzsteg a été imposé à la Porte. La visite des cent parlementaires anglais, hommes et femmes, à Paris montre combien « la combinaison de Crimée » réchauffe ses œuvres. Ton alliée encourage plutôt ce flirt. Tu aurais dû la secouer un peu ! Je suis toujours aphone. — Waidmannsheil !

WILLY.


On voit que l’empereur Guillaume ne se sert du programme de Mürzsteg que comme d’un prétexte pour éveiller, dans l’esprit de l’empereur Nicolas, un doute au sujet de la France, qui soi-disant renouvelle « la combinaison de Crimée, » parce que quelques parlementaires anglais sont venus à Paris ! Ne croyant pas que cette visite anodine puisse vraiment frapper l’imagination de son correspondant, l’empereur Guillaume lui conseille de donner une petite secousse à la France : Pull him up a little.

Le télégramme suivant est du 7 janvier 1904 :

Remerciements sincères. — Les terres cuites proviennent de mes magasins de céramique à Cadinen. — Puissent tes efforts dans la direction du maintien d’une paix honorable être couronnés de succès ! Conformément à une communication privée de Gênes, les deux nouveaux croiseurs cuirassés achetés par le Japon quittent demain les chantiers d’Ansaldo pour la Corée, montés par des officiers et des matelots anglais. Leur départ annoncé pour la fin de janvier est un « canard » lancé par le Japon, L’amiral Mutsu est actuellement à Gênes pour induire en erreur