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nos réels intérêts économiques en Mandchourie. L’Empereur s’en remettait pleinement à l’amiral Alexéïeff pour la conduite de toute l’affaire.

À la fin du télégramme, il disait avoir chargé le comte. Lamsdorff d’en informer ses représentants à Pékin, à Tokio et à Séoul, en les invitant à s’inspirer des instructions pratiques que L’amiral leur ferait parvenir.

Le lendemain 28 mai, le ministre envoya à l’Empereur la lettre suivante :

Me conformant aux ordres de Votre Majesté Impériale, je m’empresse de soumettre ci-après le projet d’un télégramme identique aux ministres de Russie à Pékin, Tokio et Séoul.

Je considère en même temps de mon devoir sacré d’exposer ce qui suit :

En retirant au ministre des Affaires étrangères les questions politiques de l’Extrême-Orient, qui sont si intimement liées à l’ensemble de nos relations internationales, Votre Majesté me fait comprendre qu’Elle n’approuve pas mes efforts des trois dernières années ; Elle indique en même temps qu’une nouvelle ère a commencé dans la politique extérieure, dont j’étais, par sa volonté, l’interprète aux yeux des étrangers. En présence de telles dispositions de Votre Majesté Impériale, il ne me reste qu’à solliciter humblement d’être relevé des fonctions qui m’avaient été confiées.

Il sera impossible de réaliser l’unité d’action indispensable, si les trois représentants de Russie en Extrême-Orient reçoivent leurs instructions simultanément de deux chefs indépendants l’un de l’autre. Encore plus difficiles seront les négociations avec les ambassadeurs accrédités auprès de Votre Majesté, lorsqu’ils voudront avoir des explications sur notre politique extérieure en Extrême-Orient, puisqu’elle sera dorénavant confiée au chef de la province du Kvantoun, résidant à Port-Arthur.

Ces considérations me donnent le courage de solliciter ma démission. Je vais quitter mon service, Sire, la conscience nette : toutes mes forces, toute ma vie ont été exclusivement consacrées à l’accomplissement honnête de mon devoir. Peut-être l’avenir découvrira-t-il bien des choses.

Deux jours se passèrent avant que le comte Lamsdorff ne reçût la réponse de l’Empereur. Sa Majesté assurait le ministre de sa pleine confiance et disait que, vu la tournure prise par les événements en Extrême-Orient, il avait simplement jugé nécessaire