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une multitude de nouveau-nés dont les grâces et les hésitations enchantent... Grandis, on les repique. On attend leurs premiers fruits. Alors on s’aperçoit des fluctuations ataviques, des courants sanguins, dont j’ai parlé ; alors on corrige, on met au point : la sélection commence. Il faut rendre hommage aux savants qui la poursuivent depuis si longtemps. Ce titre leur appartient. Ils sont opiniâtres, inventifs, documentés, enthousiastes, désintéressés. Ils épuisent toute une série avant de recommander, de livrer un de leurs sujets. Qui dira ce que tel plant, sous le numéro 4 ou 5 ou 6 000 de son espèce, représente de soins, de soucis et de déboires ? C’est pourquoi, selon l’expression moderne, en vérité, ce sujet « ne paie pas. »

Et ces hommes corrigent la nature. Celle-ci croise, hybride, sélectionne à l’aveugle. N’épargnant aucune épreuve à ce qu’elle enfante, elle place la plante rare ou précieuse en particulier dans des conditions précaires d’existence. Elle la laisse lutter, se débattre, souffrir ; elle la laisse périr, étouffée par de plus puissantes, de mieux armées. Eux, libèrent leurs créatures du combat pour la vie. Ils leur ouvrent la terre et le ciel ; ils les amènent à des développements, à des transformations, à des aboutissements ignorés... Eux encore ménagent la substance. L’excédent qu’ils répandent suffit juste à parer aux échecs, aux surprises. La nature gaspille sans limites les germes. Au moment des floraisons, les flots de pollen qu’elle roule encombrent les vents. Ceux-ci les charrient d’horizon en horizon et puis les échouent... Partout, sous les pieds, ils les poussent en ruisseaux couleur de soufre, qui s’en vont, chargés d’être, s’abimer et tarir parmi les plis du sol…


X. — LES SOINS


Octobre 1922.

Les hybrides sont de grands consommateurs. Ils ont besoin de place à table comme d’aliments copieux. Nos anciennes vignes acceptaient d’être rapprochées. J’ai connu des enclos où les ceps étaient plantés à un mètre au carré. On les taillait court, on les travaillait avec de grands bœufs, hauts de côtes, dont les flancs se balançaient bien au-dessus des pousses. La plupart des hybrides demandent un écartement de 1 m. 20 à 1 m. 70 de pied à pied, et de 2 m. 20 à 2 m. 30 de sillon en sillon. Ce sont des