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hybride disent qu’ils ne connaissent pas d’individu parfait, idéal, stable en toutes choses, à la fois devant le sol, la bête et le champignon, et devant les variations de goût ; que l’hybride est éminemment sujet à des fluctuations ataviques ; que, fils sélectionné de deux races, il ne reproduit pas, ni constamment ni également, les caractères, les qualités, l’essence de l’un et de l’autre, plus baigné tantôt de sève américaine, tantôt de sève française ; que l’on croirait enfin, que les deux espèces expérimentalement unies font effort pour se séparer, comme si elles se rebellaient contre la volonté qui les a jointes et les a pliées à se fondre. En outre, les hybrides se laisseraient impressionner de loin, d’autant plus qu’ils sont souvent consanguins, et non seulement ne tiendraient pas exactement des cépages dont ils sont immédiatement issus, mais reproduiraient fâcheusement l’un ou l’autre ascendant. Et c’est pourquoi celui-ci bronchait devant la bête ou devant le champignon ; et celui-là offrait à la dégustation une saveur accentuée.

Ainsi dans les familles humaines et animales, au fil des générations, se manifestent chez des individus des défauts et des tares dont les auteurs ne portent pas trace, mais qu’un courant sanguin ancestral ravive dans la descendance, par-dessus la tête des parents, au mépris de toute prévision. Et tel homme rappelle les faiblesses ou les lacunes de corps et dame d’un trisaïeul, et tel animal le manque de résistance ou la lâcheté de cœur d’un reproducteur oublié...

Ce n’est vrai qu’en partie, en faible partie. Je le répète, aujourd’hui, tous les hybrides franco-américains s’assolent, tous sont de gros producteurs. Et ceux que le phylloxéra ébranle ne sont entamés qu’à la longue, et permettent de les reconstituer à loisir, sans laisser jamais le bien vide de vin ; et ceux qui gardent encore un goût de Fox, ne l’ont que peu, si peu qu’ils peuvent être redressés par des soins de fût. Non, les résultats acquis le sont bien. En réalité, pour conclure, s’il s’agit de vin courant, il n’y a plus que l’immunité complète contre le champignon à assurer.

Ces champions ont reçu comme noms soit ceux de leurs créateurs, soit ceux qu’ils ont gagné de haute lutte, à l’exemple des hommes qui émergent de la foule. Ils s’appellent, et ceci révèle l’espoir que l’on a mis en eux : le Bienvenu, le Pompon d’or, l’Aurore, le Flot d’argent, l’Oiseau bleu, le Merle blanc ;