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tête plus ou moins activement aux champignons, étant tous de sang américain. Ils naissent avec les qualités de lutteurs de la race, avec une abondance de racines, une fougue de végétation magnifique, mais aussi avec ce relent, ce goût de renard qui les marque, dont nous ne voulons pas. Le terroir, qui cependant influe grandement sur la saveur chez les plants autochtones, ne leur apporte pas de correctif ; et le noah blanc, fils d’un Labrusca et d’un Riparia, que l’on a poussé à la grande fécondité, qui est un type d’hybridation américo-américaine pure, n’est toléré (je l’ai indiqué ailleurs) que parce qu’il mène au bout son fruit contre vent, pluie, gel et grêle, pour peu qu’il soit aidé. Je crois qu’il ne s’étonnerait même point de la chute du ciel... La suite à donner s’indiqua d’elle-même, une expérience précédente ayant été concluante. On hybrida donc ces porte-greffes, toujours au lieu de les greffer, avec les vinifera les plus fins, et l’on obtint de nouveau, comme après le phylloxéra, du bon vin, du vin de chez nous, de table courant, comme on dit de bouteille : mais rien au-delà. Les grands crus ont toujours avantage à user du raciné-greffé, victorieux de la bête, qui leur a rendu avec le temps la variété incomparable de leurs produits, sans rivaux au monde comme équilibre de qualités ; et cela malgré les frais du greffage de remplacement, malgré les aléas du traitement par le sulfate de cuivre. Ces crus sont comme un patrimoine national à conserver et à perpétuer en dépit de tous et de tout, carte bleue, ou rouge, ou or, qui doivent rester dignes de recevoir l’hommage de nos illustres capitaines, comme ce Clos-Vougeot que Condé, alors en tous ses rayons, salua en passant de l’épée...

L’avenir seul dira, un avenir incertain encore, si les étalons de nos crus fameux peuvent être obtenus par hybridation sans déchoir...

Dans les autres vignobles, qui ne visent point au produit de petit verre, l’hybride franco-américain à mon avis s’impose. Il est assolé ; il résiste au phylloxéra par sa vertu propre ; il se défend contre le cryptogame avec un minimum de traitements, de deux à trois ; il garde enfin une saveur agréable. De plus. il se provine, il renaît pour ainsi dire de lui-même, se continue de pied à pied, ramenant au besoin par là sa multiplication ou son remplacement à un travail rudimentaire, presque sans frais.

Les adversaires, qui n’en a pas ? les contempteurs de cet