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et un ans, j’ai toujours fait consciencieusement mon devoir, dans toutes les occasions, et partout où je me suis trouvé ; que je n’ai aucune mauvaise action à me reprocher, et que j’ai toujours mérité l’estime et la confiance de mes supérieurs et de mes subordonnés, ainsi que l’amitié de mes camarades et des corps où j’ai servi. Si cette carrière n’a pas été plus brillante sous le rapport des actions et de l’avancement, c’est qu’il n’est pas donné à tous les militaires de se trouver dans des positions favorables, dans des moments propices, où leur nom peut être cité avec éloge : ces occasions sont rares, surtout dans l’infanterie, dont les mérites et les services ont trop peu d’éclat pour trouver des prôneurs. Quant à l’avancement, j’aurais pu, j’aurais dû espérer être plus favorisé, si les circonstances m’avaient mieux servi, si j’avais eu plus d’ambition, plus d’intrigue, et, comme tant d’autres, cherché à faire valoir mes services. Mais ces moyens, très en usage et peu licites, m’ont toujours répugné. Je puis dire avec sincérité que je n’ai jamais écrit à qui que ce soit pour me recommander, ni ne suis entré une seule fois au ministère de la Guerre pour me faire connaître aux dispensateurs des grâces et des faveurs : je me suis contenté de la protection de mes chefs immédiats ou supérieurs. Cependant je dois me féliciter de ce que la fortune ne m’a pas été plus contraire et remercier la Providence, puisque j’ai la satisfaction de me retirer du service sans aucune infirmité ni blessures graves : c’est une grande compensation et un inappréciable bienfait pour mes vieux jours [1].


J.-B. BARRES.

  1. J. -B. Barrès mourut à Charmes quatorze ans plus tard, en janvier 1849, ayant eu la satisfaction de voir, comme il le désirait, son fils entrer à l’École centrale.