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ce voyage était de faire connaître aux populations de l’Est et à l’armée, le monarque que la France de Juillet s’était donnée. Il était important de donner au Roi une bonne opinion du régiment, et à l’Allemagne qui nous regardait une semblable opinion sur notre jeune armée qu’on venait en quelque sorte de recréer. Je pris toutes mes mesures en passant de fréquentes inspections, pour que mon bataillon fût aussi beau, aussi nombreux que possible. Je réussis complètement.

18 juin. — La garnison, les troupes arrivées pour les revues du Roi et les gardes nationales des arrondissements de Strasbourg et de Wissembourg, prirent les armes pour border la haie, depuis la porte Blanche ou Nationale, jusqu’au Palais royal. Le Roi fit son entrée solennelle à cheval, ayant à ses côtés ses deux fils, les Ducs d’Orléans et de Nemours, accompagnés par les maréchaux Soult et Gérard, par le ministre du Commerce, comte d’Argout, et par un immense état-major. Il était précédé et suivi de douze régiments de cavalerie, et de plusieurs centaines de voitures alsaciennes ornées de feuillages et de rubans, pavoisées de drapeaux tricolores et remplies de jeunes et fraîches paysannes costumées dans le goût du pays. Cette entrée dans une ville guerrière célèbre, fut magnifiquement imposante. Un concours immense de citoyens et aussi d’étrangers à l’Alsace, une allégresse générale et de vives acclamations, spontanément manifestées sur le passage du Roi, prouvaient qu’il avait l’assentiment des populations entières. L’esprit public était encore bon, les menées démagogiques n’avaient pas encore perverti les masses et changé en indifférence coupable les témoignages d’affection que le Roi avait reçus jusqu’alors.

Le passage fini et les rangs rompus, les officiers se réunirent, pour aller chez le Roi où ils furent présentés par le général Brayer, commandant la division. Nous trouvâmes là le grand- duc de Bade et une nombreuse suite, les envoyés des souverains allemands, et les ambassadeurs ou agents français attachés à ces cours.

19 juin. — Nous prîmes les armes de grand matin pour être rendus de bonne heure au polygone. Ce vaste champ de manœuvre fut bientôt rempli de troupes de toutes armes, et d’une foule de spectateurs français et allemands. Indépendamment des gardes nationales à pied et à cheval, il y avait trois régiments d’infanterie (59e de ligne, 5e et 15e légers), douze régiments