Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 12.djvu/624

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de drapeaux tricolores et partout les soldats reçurent bon accueil et furent fêtés. En partant de Paris, je pensais que cette route serait pour moi une source d’ennui et de désagréments, que les hommes feraient des sottises, manqueraient aux appels, resteraient en arrière. La conduite qu’ils avaient tenue dans Paris, depuis la Révolution de Juillet, me le donnait à craindre. Il n’en fut rien. Quand nous arrivâmes à Wissembourg, ils étaient si peu fatigués et leur tenue si soignée que les habitants purent croire que nous venions seulement de faire une promenade matinale de quelques lieues.

Ayant pris possession de la caserne et installé sa troupe, Barrès obtint bientôt un congé pour aller à Charmes. Mais son séjour se trouva écourté par une lettre de rappel du colonel qui croyait à une prochaine déclaration de guerre. Ce qui survint, c’est un épisode plus humble, caractéristique de l’esprit alsacien.


DIFFICULTÉS SCOLAIRES EN ALSACE

Le 9 mars 1831, je reçus l’ordre du général Fehrmann de me rendre, avec tout mon bataillon, au village d’Ober-Belschdorff, distant de quatre lieues, pour concourir à la répression d’une résistance aux décisions de l’administration supérieure. Cette quasi-insurrection avait pour cause la nomination d’un maître d’école que les habitants ne voulaient pas. C’était en vain qu’on leur disait que celui qu’ils préféraient était un ignorant et avait échoué à tous les concours. Ils y tenaient parce que c’était le gendre du garde-forestier, et que celui-ci les avait prévenus que, s’ils en prenaient un autre, il leur ferait des rapports toutes les fois qu’ils iraient prendre du bois dans la belle forêt de Haguenau. La rébellion était manifeste : la gendarmerie avait été chassée plusieurs fois du village, lorsqu’elle voulait prendre possession de la maison d’école ; des individus avaient établi des barricades et, armés de fusil, s’étaient retranchés dans l’école. On temporisa dans l’espérance que la réflexion et la lassitude les rendraient plus raisonnables. Cette longanimité les enhardit. La gendarmerie fut repoussée une troisième fois et le sous-préfet de Wissembourg bafoué. Dans cet état de choses, la force devait intervenir pour faire respecter la loi.

A mon arrivée, le 10 mars, je trouvai les barricades évacuées, mais la maison d’école toujours occupée. Après avoir