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politique, de la Révolution de Juillet et des malheurs de la famille royale. « Malheureux roi ! disait M. de Doudeauville, les bons conseils ne lui ont pas manqué, mais des hommes plus influents l’ont circonvenu et conduit à sa perte. » Tous ces personnages avaient quitté Paris seulement depuis quelques jours ; ils venaient dans cette antique demeure se consoler de la chute du Roi, et oublier, s’il était possible, les grandeurs qu’ils avaient perdues. M. de Doudeauville est un petit homme sec, déjà âgé ; sa femme, presque aveugle ; leur fils, un bel homme aux grandes manières ; leur belle-fille, encore jeune, peu remarquable, quoique assez bien de figure. Quant à M. de Rastignac, je le trouvai un marquis de théâtre, un personnage de Marivaux. Ces dames ne parlèrent pas : elles se seraient compromises devant un plébéien qui servait un usurpateur. Quoique je fusse étranger à tout ce grand monde, j’y tins ma place, et reçus un accueil parfait.

DE METZ A WISSEMBOURG

Le 11 octobre, Barrès arrive à Metz, qu’il revoit pour la troisième fois :

A la porte de la ville où je devais m’arrêter, former les pelotons et régulariser la tenue pour faire mon entrée, je vis venir à moi mon fils conduit par son grand père, sa grand mère et sa tante Elisa Belfoy. Avec quelle joie je les embrassai tous quatre, et pressai tendrement contre mon cœur mon petit Auguste ! Ce nouveau témoignage d’affection que me donnaient ces bons parents me toucha vivement. Faire un voyage de cinquante lieues pour me procurer le plaisir d’embrasser mon enfant, c’était me donner une bien grande preuve de leur attachement et m’offrir une aimable diversion aux ennuis d’une longue route. Je trouvai mon fils fort, espiègle, et plein de santé. Quarante-huit heures que je passai avec ma famille me parurent bien courtes.

18 octobre. — A quelques lieues au delà de Bitche, marchant dans le brouillard et sur un chemin sablonneux mal tracé, le bataillon quitta la route et se dirigea à gauche vers la Bavière rhénane. Près d’arriver à la frontière, un paysan accourut tout haletant, me prévenir de notre erreur, et nous remit dans la direction que nous devions suivre. Je le remerciai comme il convenait du service qu’il venait de me rendre, car dans les