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tous ses coins. Il n’est pas un quartier ancien ou neuf, une rue nouvellement ouverte, un monument, un passage, un bazar, un pont, une fontaine, qui n’aient eu ma visite, surtout ce qui avait été construit ou amélioré depuis 1823. Je supprimerai une foule de faits et de remarques que j’avais notés dans mon ancien itinéraire et qui sont bien peu intéressants pour moi, maintenant que j’ai vieilli. Mais voici qui prête encore à mes réflexions.

Sur la place où fut guillotiné, le 21 janvier 1793, l’infortuné Louis XVI, — place qui a porté successivement les noms de Louis XV, avant 1789 ; de la Révolution, jusqu’à 1802 ; de la Concorde jusqu’à 1814 ; de Louis XVI jusqu’à 1830, et qui s’appelle de la Concorde jusqu’à nouvel ordre ; — sur cette place d’où l’on voit un palais sans roi, les Tuileries ; un temple sans dédicace, la Madeleine ; un arc de triomphe sans consécration, l’arc de l’Etoile, on élevait un monument à Louis XVI. Le piédestal qui devait le supporter était seul achevé quand la Révolution de 1830 éclata.

Pendant mon séjour, on plaça sur les balustrades du beau pont Louis XVI, les statues colossales en marbre blanc de Condé, Turenne, Duguesclin, Bayard, Suger, Sully, Richelieu, et Colbert, Tourville, Duquesne, Duguay-Trouin et Suffren : elles ont disparu. Au rond-point des Champs-Elysées, on élevait un monument à Louis XV, encore peu avancé : je pense que les derniers événements empêcheront qu’on y donne suite. Le superbe Arc de triomphe de la barrière de l’Etoile, ou de Neuilly, s’achevait. J’en avais vu poser la première pierre en 1806 : on le dédiait alors aux armées françaises de la République et de l’Empire ; sous les Bourbons de la branche ainée, il devait être consacré à la gloire du Duc d’Angoulême, pour sa campagne d’Espagne. On élevait une statue à Louis XVIII, auteur de la Charte, et fondateur du gouvernement représentatif en France, sur la place du Palais-Bourbon, en face de la Chambre des députés : elle n’était pas terminée à la déchéance de Charles X ; qu’en est-il advenu ?

Je fus souvent visiter l’église Sainte-Geneviève, pour bien connaître sa belle architecture et pour étudier la fresque que le baron Gros a peinte, dans la seconde coupole du dôme. Un groupe dans cette fresque devait représenter Napoléon avec Marie-Louise, le roi de Rome et les principaux guerriers, mais les invasions de 1814 et 1815 y firent substituer Louis XVIII