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SOUVENIRS
D’UN OFFICIER
DE LA GRANDE ARMÉE
PUBLIÉS PAR MAURICE BARRÉS, SON PETIT-FILS [1]

IV [2]
LA MONARCHIE DE JUILLET

1er août 1830. — Dans la matinée, le lieutenant-colonel, à qui je venais de remettre le commandement du régiment, réunit tous les hommes dans la cour de la caserne de Lourcine, pour les haranguer. Il nous dit très sérieusement qu’il avait servi avec fidélité la République, le Consulat, l’empereur Napoléon, Louis XVIII et Charles X, et qu’il servirait de même le souverain que les Chambres appelleraient au trône. Les officiers sourirent et le reconnurent pour la plus vieille girouette du régiment. Au fait, ce n’était ni sa faute ni la nôtre, si les événements nous forçaient à servir tant de gouvernements divers, mais il aurait pu se dispenser de faire parade de nos honteuses palinodies, de la fréquence de nos serments si solennellement prêtés, et souvent si peu respectés. Ses frais d’éloquence touchèrent peu les soldats qui se croyaient dégagés depuis le 29 juillet de tout frein disciplinaire.

Le 2 août, les débris de nos 1er et 3e bataillons, qui avaient passé la nuit à Versailles, arrivèrent à Paris dans la matinée, sous le commandement de leurs chefs, tambours battants et

  1. Copyright by Maurice Carrés, 1922.
  2. Voyez la Revue des 1er et 15 octobre et 15 novembre.