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laborieux, plus conscients de la gravité du problème de la vie. » — « L’étudiant qui a fait la guerre est, sinon supérieur, au moins plus pénétré de ses devoirs, et de l’importance des études. » Les signes d’un réveil religieux sont évidents : soit qu’ils se manifestent par une large adhésion au catholicisme, soit qu’ils se traduisent par une recherche philosophique plus intense, et par une inquiétude morale plus anxieuse. Laissons les embusqués de la guerre : ceux-là aussi sont les embusqués de la paix. Ils cherchent à passer leurs examens par tous les moyens, choisissant les procédés faciles plus volontiers que les procédés honnêtes ; et même, les facilités accordées aux vrais combattants profitent quelquefois aux guerriers de l’arrière ou des bureaux. C’est là un déchet inévitable ; mais, dans l’ensemble, la guerre a servi d’épreuve à l’âme de l’étudiant ; elle l’a trempée.

Voici un autre trait, que l’on constate d’un accord unanime : adieu le beau désintéressement qui portait jadis vers les études des esprits de choix, plus soucieux d’augmenter leur culture que d’amasser des écus ! Les jeunes gens sont doués d’un esprit pratique nettement caractérisé. Ils veulent acquérir des diplômes le plus vite possible, pour gagner le plus vite possible de l’argent. — J’avoue que cette observation, qui parait exciter la bile de quelques-uns des professeurs, ne me frappe pas outre mesure. A vrai dire même, je trouve tout naturel que les jeunes gens, frappés de l’âpreté de la lutte pour la vie, songent à s’assurer le pain quotidien. Ce n’est pas là spéculer, c’est vouloir vivre ; c’est même sauvegarder les droits de l’intelligence. A quelque pays du monde qu’ils appartiennent, l’utilitarisme des jeunes gens qui s’engagent dans la voie des études ne me parait pas inquiétant : tant d’autres voies plus faciles les sollicitent ! Ce sont encore des idéalistes que ces utilitaristes-là

On constate aussi, sans regret d’aucune espèce, la disparition de l’étudiant qui faisait autrefois le scandale des familles bourgeoises, avant que de devenir lui-même un bon bourgeois : il hantait tout le jour cafés et brasseries, rôdait tard par les rues, et la nuit rossait le guet. Sauf exception, l’étudiant d’aujourd’hui travaille ; il travaille même, quelquefois, loin des grandes villes, dans sa famille, contraint à venir suivre quelques cours seulement à l’Université. Car qui, sauf les millionnaires, peut aujourd’hui se donner le luxe d’entretenir ses fils à Turin, à