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qui ont retrouvé leurs plafonds, des étages apparaissent, des terrasses, des treilles : on voit les escaliers qui mènent à ces pièces supérieures : montez, s’il vous plaît d’y monter. Les villes antiques n’étaient donc pas un amas de cubes de maçonnerie, comme on voulait nous le faire croire ; les maisons avaient des yeux, respiraient, vivaient ; elles montaient vers la lumière ; elles se couvraient de roses. J’entre dans une de ces maisons ; un teinturier habitait là il est inutile que mon guide épuise son éloquence à m’expliquer la chose ; je distingue parfaitement la boutique, et puis l’atelier, avec ses cuves, ses vasques, ses canaux, et puis encore l’appartement privé. Je pénètre dans la demeure d’un riche : voici sa salle à manger, avec ses trois lits disposés autour de la petite table ronde ; voici sa chambre à coucher ; dans un coin, l’armoire où il mettait ses habits ; voici la grande salle des réceptions et des fêtes, toute ornée de peintures. Au centre, un jardin parfaitement entretenu ; les fleurs se balancent autour d’un menu jet d’eau, qui chante gaiment sa chanson.

C’est qu’au delà de la porte mystérieuse que j’ai franchie, on a continué les fouilles avec une méthode nouvelle. Il s’est trouvé un homme pour la concevoir, pour l’imposer malgré toutes les résistances, pour la suivre jusqu’au bout, pour animer ses collaborateurs et ses ouvriers même de ce feu sacré sans lequel il n’est pas de grandes entreprises. Rendons grâce à M. Spinazzola, directeur général des antiquités de la province de Naples, d’un effort qui permet de réaliser un progrès certain dans la connaissance du passé. Elle est très simple, cette méthode précieuse ; très simple à énoncer tout au moins. Autrefois, dès qu’on avait trouvé un objet qui présentait un caractère d’art, on le portait dans les salles funèbres d’un musée : maintenant, on laisse chaque objet dans son décor naturel ; c’est le premier point. — Voici le second : on respecte tout ce que donnent les fouilles ; absolument tout, sans exception. Lorsqu’on déblaie une maison, prudemment, pieusement, il n’est rien qu’on n’examine. On recueille les plus petites pierres des mosaïques, voire les plus minces débris : c’est ainsi qu’on me montre un revêtement d’une finesse admirable, qui ne comprend pas moins de mille cinquante morceaux de stuc, ramassés un à un, juxtaposés, recollés. On recueille les ais disjoints, les poutres à demi calcinées, les bouts de planches. On recueille les ferrures et les clous. Jadis on jetait cela ; on jetait la matière même dont