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chambres à coucher superbement meublées, au point qu’en entrant dans la première, on se demandait : Est-ce la chambre du Roi ? C’était celle du comte Ugolin. Puis celle de Mlle Valentine, et enfin celle de Mme du Cayla. A côté de celle de Mme du Cayla est un cabinet gothique avec cinq fenêtres à glaces sans tain, une vue charmante sur la Seine ; les peintures n’en sont point achevées, mais elles seront blanc et or. Au rez-de-chaussée est encore une ravissante salle de bains en taffetas et mousseline blanche ; il sent beaucoup la peinture dans toutes les pièces ; les parquets sont les plus admirés, ils m’ont paru d’une rare beauté. La chapelle est souterraine, petite, simple et non achevée.

Le pavillon se termine en terrassa, et il y avait là un grand nombre de musiciens ; bien des gens montaient jusque-là pour la vue, mais nous avons trouvé qu’il faisait trop de vent et nous n’y sommes point montées.

Mme du Cayla se tenait comme une quêteuse assise à la porte d’entrée du premier salon ; on annonçait, et elle disait à chacun un mot obligeant. Elle était tout habillée en jaune et fort parée, son chapeau de paille blanche avec des jonquilles et des lilas ; sa fille ne la quittait pas d’une minute ; elle a seize ans, des cheveux blonds, une grande pâleur, une assez laide tournure, l’air timide et surtout craintif avec sa mère, qui, disait-on, l’élève avec une grande sévérité. A deux heures un quart, Mme du Cayla et sa fille, l’ambassadrice d’Angleterre, M. de Villèle se sont mis en marche ; tout le monde les a suivis ; on a traversé une partie du jardin pour aller déjeuner. C’était une grande tente rouge, au fond de laquelle était le buste du Roi en marbre blanc sur un piédestal. La tente était partagée en deux compartiments ; dans celui du fond était le buste, Mme du Cayla au-dessous, au milieu d’une longue table, qui prenait toute la tente, M. Alfieri à sa droite, M. de Villèle à sa gauche, puis Mlle du Cayla ; après M. Alfieri, lady Charles Stuart, M. de Chateaubriand, le prince Castelcicala, Mme de Chateaubriand, le baron Vincent, Mme de Corbière, etc. Mlle Seymour était à cette table, elle est d’une grande beauté. Mme de Castellane, Mme de Rausan, Mme de Boigne et moi, précisément en face de Mme du Cayla. Le déjeuner était entièrement maigre et très somptueux. Dans l’autre compartiment de la tente étaient quatre tables, la moitié moins grandes que celle où nous étions. M. Alfieri a porté la santé du Roi, et M. de Villèle celle des souverains étrangers. Il