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comptes à ses tuteurs, qui les refusent et c’est le sujet d’un grand procès qu’on va juger.


Juin.

Ma tante vient d’être disgraciée, dit-on ; après avoir charmé le Roi et l’avoir vu deux fois, elle n’a pas été assez facile à vivre, et a refusé d’y retourner. Mme du Cayla, qui était partie pour la campagne au désespoir, est revenue sur cette bonne nouvelle.

Il y a quelques jours que le Roi a envoyé à Mme du Cayla une perruche qui par le admirablement. C’est son premier gentilhomme de la chambre, M. le duc d’Aumont, qui l’a portée.

Chaque jour, il lui envoie des fleurs. Tous les mercredis, elle va le voir de trois à cinq heures et demie. Ces jours-là le Roi est toujours plus gai au Conseil, et si, par hasard, il y a quelque affaire qu’on soit obligé de lui soumettre de nouveau, il a grand soin de dire : « Vous n’enverrez que demain. »

Le pavillon de Saint-Ouen avance beaucoup. On dit qu’il est d’une grande magnificence. Le secret est encore officiel, mais tout le monde sait à qui il est destiné. Les ouvriers auxquels on le demande répondent que c’est pour la maîtresse du Roi.


4 juin.

M. de Richelieu est mort[1]. La pauvre comtesse de Gotheland ne se console pas. Elle ne sort plus, si ce n’est pour aller à l’Assomption[2] ; tout le monde prend part à cette douleur et je ne crois pas que personne ait attaché à ses regrets le ridicule qu’on mettait à sa passion.

Elle a été au-devant de lui jusqu’à Versailles[3]. Pendant qu’on changeait ses chevaux, il voulut descendre de voiture, et tomba évanoui dans les bras de ses gens.

La pauvre Reine, si elle n’eût été retenue, se serait précipitée auprès de lui. Il se trouva mal ainsi trois fois de Paris à Versailles. Qu’on juge de l’état de la comtesse de Gotheland obligée de rester cachée dans sa voiture, convaincue du danger de M. de Richelieu, et persuadée que si elle avait eu le droit de le soigner, il ne serait pas mort.

Ma tante alla la voir le jour même ; elle était dans son lit,

  1. Le 17 mai 1822.
  2. Église où avait été déposé le corps du duc de Richelieu.
  3. C’est au retour d’un voyage au château de Courteilles, dans l’Eure, que le duc de Richelieu fut pris de la maladie qui l’enleva en quelques jours.