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je vais saluer le Président, la Marseillaise éclate et la clameur monte jusqu’au ciel.

Je rejoins à cheval l’hôtel de l’Ambassade, accompagné des mêmes vivats ; devant le perron, je mets pied à terre, et alors se produit une forme d’hommage que j’ignorais : d’un geste large, les hommes jettent sous mes pas leurs sombreros ; j’ai peine à éviter de les fouler aux pieds, mais ils s’accumulent ; je sens que mes précautions ne concordent pas avec les sentiments de la foule et je mets carrément le pied sur deux d’entre eux : une joyeuse acclamation m’engage à continuer. Et c’est ainsi que finit pour moi la plus belle journée de ces fêtes, celle où les Péruviens ont le plus crié : « Vive la France ! »

Selon la tradition militaire, j’ai reçu le lendemain à diner les officiers supérieurs qui avaient pris part à la revue. Les officiers de la Mission ont été reçus par leurs camarades péruviens ; les officiers généraux m’ont invité. Bref, la journée du 2 août a créé entre les cadres de l’armée péruvienne et moi un lien qui s’affirme de plus en plus. Tout le monde s’ouvre davantage avec nous et avec la Mission militaire française qui, invisible et présente, a pris modestement sa part du succès populaire de la revue.

Je constate que l’Armée travaille silencieusement et commence à comprendre la nécessité de se tenir en dehors de la politique. Elle fait corps avec la Nation et partage ses espérances ; dans la situation actuelle, c’est toujours la même question qui revient dans toutes les bouches et qui se résume en deux mots : Tacna et Arica. — Le Pérou, battu par le Chili, a accepté un traité de paix très onéreux et l’a exécuté ; mais une clause de ce traité prescrivait que la population de deux des provinces occupées serait consultée sur leur réunion au Chili, et les vainqueurs se sont toujours opposés à l’exécution de cette clause. Dans l’état actuel du monde, une telle situation ne peut durer, et elle amènera certainement une nouvelle guerre entre les deux nations.

C’est la question du Pacifique qui se pose et je n’échappe pas à son examen.


Général Mangin.